Les succès du Canadien au cours des présentes séries éliminatoires passionnent les Québécois. Et pas seulement les amateurs de hockey.

Les fanions, les plaques d'immatriculation, les chandails aux couleurs du Tricolore se comptent par milliers. Les conversations au bureau, à l'école, au restaurant tournent toutes autour des performances des Glorieux.

Si vous êtes un inconditionnel, vous êtes au septième ciel. Mais si vous êtes un partisan des Flyers, ça se passe comment?

Pour en avoir le coeur net, je me suis promené devant le Centre Bell sur l'Avenue des Canadiens, hier avant le match, portant un chandail des Flyers!

L'idée m'est venue après avoir lu sur les déboires des journalistes montréalais à Philadelphie lors du premier match de la série, le week-end dernier. Des insultes, du matériel bousillé, des directs perturbés, ces derniers en ont vu de toutes les couleurs.

Je me suis demandé si les partisans du Canadien étaient plus gentils avec l'adversaire, plus civilisés.

Quand j'ai annoncé mon plan de match à mes collègues et patrons, j'ai eu droit à bien des sarcasmes. «Tu te magasines des claques sur la gueule?», m'a demandé un des gars du sport.

Mon patron, lui, a bien pris soin de me demander de le rappeler pour lui donner le nom de l'hôpital et le numéro de chambre où je serais hospitalisé...

Je n'avais pas vraiment d'appréhensions, jusqu'à ce que je parle à Alexandre Pratt, le directeur de la section des sports de La Presse, hier matin. «On l'a essayé il y a trois ans et ça n'avait pas été plaisant.»

Une bonne idée?

Quand je suis arrivé à La Presse en milieu d'après-midi, les autres gars des sports n'ont rien fait pour me rassurer. Je commençais vraiment à me demander si j'avais une si bonne idée et j'ai, je dois l'admettre, même songé à me défiler!

Je ne l'ai pas fait.

J'ai quitté La Presse et parcouru le trajet jusqu'au Centre Bell à pied. Une marche d'un kilomètre et demi. Devant un hôtel, une femme qui s'apprêtait à prendre un taxi m'a crié: «Ce n'est pas la bonne couleur à porter aujourd'hui!»

Curieusement, les partisans du Canadien ne se sont pas vraiment manifestés, mais ceux des Flyers m'ont fortement encouragé!

Quand je suis arrivé sur l'Avenue des Canadiens, en territoire ennemi, les fans de la Flanelle ont évidemment commencé à m'asticoter. Les animateurs de foule de CKAC, entre autres, m'ont fait sentir que j'étais la seule tache orange dans une mer de bleu-blanc-rouge.

J'ai eu droit à des sourires moqueurs, des huées, des pouces en bas, mais rien de vraiment méchant.

La remarque la plus méchante est venue d'un gars qui me regardait d'un air hautain et qui m'a demandé où j'avais pris mon tapis de chien!

Puis, un partisan un peu plus exalté que les autres s'est jeté devant moi en me criant «Philly sucks, Philly sucks» pour tenter de rallier la meute. Les autres ont ri, mais ça s'est arrêté là.

Une dame, au demeurant fort polie, m'a dit que je devais me sentir bien seul dans les couleurs des Flyers. Elle avait diablement raison parce que des chandails des Flyers, il n'y en avait vraiment pas beaucoup.

Une partisane des Broad Street Bullies m'a d'ailleurs demandé comment ça se passait. De crainte de se faire écoeurer, elle ne voulait pas s'exhiber aux couleurs de ses favoris. Mes paroles l'ont rassurée, mais pas assez pour qu'elle sorte son chandail de sa sacoche!

«J'avais peur...»

J'ai aussi parlé avec un duo père-fils venu de Toronto. Le fils, environ 18 ans, s'affichait dans un chandail de Mike Richards, le capitaine des Flyers.

Comme pour moi, son expérience se passait plutôt bien. Le père, lui, exhibait un chandail du Canadien. «Je n'ai pas eu le coeur de mettre un chandail des Flyers, j'avais peur...»

Il n'aurait pas dû. Les fans du Canadien avaient l'esprit à la fête et plusieurs m'ont même demandé de me faire photographier avec eux.

Bien sûr, si j'avais été une armoire à glace de 6'6'' et 250 livres enlignant les «fuck Habs» les majeurs en l'air, l'histoire aurait probablement été différente. Mais, comme m'a dit un partisan du Canadien avec qui je discutais «T'as l'air fin et t'as un sourire accroché aux lèvres. Bref, t'as l'air inoffensif!»

L'expérience s'est finalement avérée fort intéressante. Par contre, je ne suis pas sûr qu'elle l'aurait été autant après le match, à la noirceur et avec des fans un peu plus imbibés...