La conférence de presse organisée lundi pour annoncer le départ de Bob Gainey m'a ramené sept ans en arrière.

Le 2 juin 2003, André Savard cédait gracieusement sa place à Gainey, comme l'a fait Gainey avec Pierre Gauthier il y a deux jours. Au centre, toujours le même président, Pierre Boivin.

J'avais été choqué par ce congédiement déguisé, d'autant plus que Savard avait commencé un travail de reconstruction très intéressant depuis son embauche en novembre 2000. Il avait nommé quelques mois plus tôt un entraîneur méconnu, mais fort compétent, Claude Julien, réussi à se départir d'un salarié important sur le déclin, Trevor Linden, qu'il avait envoyé aux Capitals de Washington avec Dainius Zubrus en retour de Richard Zednik, Jan Bulis et un choix de première ronde. Zednik venait de marquer 31 buts au moment du départ de Savard, ce qu'on n'avait pas vu depuis Mark Recchi en 1998.

Dans les mois précédant sa rétrogradation, Savard venait d'obtenir d'autres choix au repêchage pour Éric Chouinard, Jeff Hackett, Oleg Petrov et Doug Gilmour, bref, il se tournait résolument vers la jeunesse. Après avoir repêché Mike Komisarek, Alexander Perezhogin, Tomas Plekanec et Chris Higgins, Savard avait nommé Trevor Timmins au poste de responsable du recrutement. Savard a toujours résisté à la tentation d'échanger des jeunes pour prendre des raccourcis.

Son plan était clair et précis. Il voulait une équipe offensive et misait sur la force des jeunes. Mais deux ans et demi plus tard, on lui coupait l'herbe sous le pied. Et j'avais le sentiment qu'on venait de commettre une profonde injustice pour accueillir un homme réputé, certes, mais dont la fin de règne à Dallas avait été catastrophique.

Sept ans plus tard donc, Gainey cède sa place à Gauthier à quelques semaines de la date limite des échanges, mais je n'ai cependant pas la même impression d'injustice. Probablement parce qu'il avait une base intéressante à partir de laquelle bâtir. Et j'avoue avoir beaucoup de difficulté à bien cerner son règne.

Il n'a pas été mauvais, comme en témoigne sa fiche de 241-176-44-7. Son club a participé aux séries éliminatoires quatre fois sur cinq, franchi deux fois la première ronde et terminé premier dans l'Associaton de l'Est à la surprise générale en 2007-2008.

Qu'est-ce qui me chicote alors? Probablement le manque de stabilité. Le Canadien a connu quatre entraîneurs sous son règne: Claude Julien, Guy Carbonneau, Jacques Martin et lui-même. José Théodore a été le premier gardien numéro un, puis Cristobal Huet, Carey Price et maintenant Jaroslav Halak.

Il a fait quelques très bons coups comme Kovalev pour Balej (quoique les Rangers auraient pu opter pour Plekanec), Gorges et un choix de première ronde (Pacioretty) pour Craig Rivet, Cristobal Huet et Radek Bonk contre Mathieu Garon. L'embauche de Roman Hamrlik et l'acquisition de Robert Lang ont aussi été bénéfiques. Mais il a aussi gaffé plusieurs fois: Ribeiro pour un défenseur fini, François Beauchemin et Ron Hainsey perdus au ballottage, un choix de première ronde pour Alex Tanguay, qu'on a ensuite laissé tomber 12 mois plus tard, les acquisitions coûteuses de Georges Laraque et, avant lui, de Sergei Samsonov. Mark Streit n'a jamais été remplacé alors qu'on aurait pu le garder au rabais en négociant avec lui au cours de l'hiver. L'embauche de l'entraîneur Don Lever à Hamilton, qui n'est pas un grand communicateur, n'a pas aidé non plus au développement de la jeunesse, ni le manque d'encadrement des jeunes qui a mené à la saison difficile de l'an dernier.

Quelle est l'identité du club de hockey Canadien? Une équipe jeune? Expérimentée? Offensive? Défensive? Difficile à dire.

De bons coups et de bons résultats au classement nous empêchent de le qualifier de DG médiocre, mais il a fait trop de mauvais coups pour lui décerner le titre de bon DG. De sorte que son départ ne constitue pas une lourde perte aux yeux d'une majorité d'observateurs.

Le successeur de Gainey, Pierre Gauthier, n'a pas été accueilli avec beaucoup de passion. Normal, il a joué un rôle plutôt discret dans l'ombre du DG ces dernières années. Mais il était derrière toutes les décisions de Gainey. Pierre Gauthier était en fait les yeux et les oreilles de Gainey: c'est lui qui se déplaçait pour voir à l'oeuvre les joueurs des autres clubs et même ceux de la Ligue américaine (il a d'ailleurs épié Benoit Pouliot à plus d'une reprise à Houston) et même en Europe. Il ne faut donc pas s'étonner du choix de l'entraîneur Jacques Martin, un homme qu'il a embauché à son arrivée à Ottawa.

Ceux qui aiment ce club et estiment que les choses vont dans la bonne direction peuvent se réjouir de la nomination de Gauthier. Ceux qui au contraire ne voient pas beaucoup d'avenir pour cette équipe ont toutes les raisons de déprimer. Cette formation, c'est autant celle de Pierre Gauthier que de Bob Gainey.

Pour ma part, j'attends avant de formuler un jugement. Le Canadien a fait de nombreux changements l'été dernier, il se classe sixième dans l'Est et il reste encore sept semaines de jeu.