Il existe au moins 1000 raisons d'admirer Bob Gainey. À titre de joueur, Monsieur Bob a été l'un des plus courageux de son époque, et s'il fallait mettre une photo sous le mot «leader» dans le grand dictionnaire des sports, c'est probablement sa photo qu'on mettrait. Gainey, c'est aussi un homme droit, honnête, dont la sagesse est presque légendaire sur la planète LNH.

Je comprends tout ça. Je comprends aussi qu'à Montréal, Gainey est pratiquement un intouchable. Un homme qu'on ne peut pas critiquer. C'est comme ça avec les légendes, et on n'y peut strictement rien.

Mais il est grand temps de faire face à la réalité. Et la réalité, c'est que le bilan de Gainey à titre de directeur général du Canadien n'est pas aussi glorieux qu'on voudrait nous le faire croire.

L'ancien capitaine du Canadien est arrivé dans le fauteuil du DG en juin 2003, succédant à André Savard. En quatre saisons, son club s'est classé en séries à trois reprises. Sous Gainey, le Canadien a atteint le deuxième tour des séries en deux occasions, et a obtenu la première place de son association une fois, la saison dernière.

Sur la glace, donc, le Canadien de Gainey a été plutôt bon dans l'ensemble. Ce sont plutôt les décisions prises dans le fameux bureau du deuxième étage qui viennent plomber le bilan.

C'est plutôt au chapitre de l'évaluation des joueurs que le bilan de Gainey s'alourdit.

Pour des raisons parfois brouillonnes, Gainey a laissé partir un nombre hallucinant de patineurs de talent. Pas besoin de tous les nommer, vous les connaissez déjà. Rappelons seulement que Mike Ribeiro et Mark Streit sont les meilleurs pointeurs de leur équipe respective cette saison.

Au chapitre du repêchage, Kyle Chipchura, Carey Price, David Fischer et Ryan McDonagh sont les choix de première ronde du Canadien sous Gainey. On verra pour les deux derniers, mais dans le cas des deux premiers, on attend toujours. (J'en profite pour rappeler que Gainey n'est pas seul à la table du repêchage; Trevor Timmins y est aussi. Le même Timmins qui avait préféré Andrei Kostitsyn à Jeff Carter en 2003...)

De toutes les décisions signées Gainey, celle concernant Price est peut-être la plus étrange. Pourquoi le Canadien a-t-il choisi de placer son futur immédiat entre les mains d'un gars de 20 ans? Fouillez-moi. Peut-être que Price sera un grand gardien dans cinq ans, mais pour le moment, il a l'air de ce qu'il est: un mec de 21 ans qui n'est pas prêt à assumer un rôle aussi immense que gardien de but numéro un pour l'équipe la plus titrée du hockey.

Un dirigeant d'une équipe adverse me faisait récemment remarquer que Price n'a pas encore prouvé qu'il peut être un gardien constant. Mais on lui a quand même donné le titre de numéro un sur un plateau d'argent...

Et ça, c'est Gainey. C'est lui qui a échangé un fiable vétéran nommé Cristobal Huet pour faire toute la place au Sauveur. Seulement voilà, le Sauveur n'enfile pas les miracles comme l'espérait la direction. Jésus Price, doit-on le rappeler, a été déclassé par Martin Biron au printemps dernier. Pas par Martin Brodeur. Par Martin Biron.

Ce qui nous mène à la crise du moment. Le coach peut bien emprunter à Tom Coughlin en amenant ses boys au bowling, ce Canadien ressemble beaucoup plus à un club de neuvième place qu'à un club qui va batailler pour le trophée.

J'en profite pour rappeler que cette saison est une saison historique. Quelque chose à propos d'un anniversaire important, si j'ai bien compris. Je me demande bien ce que dirait le propriétaire George Gillett si jamais son équipe ne jouait plus au hockey le 12 avril...

Gillett aime souligner combien les décisions hockey appartiennent à Gainey. Eh bien, si ce club échoue, ce sera à Bob de rendre des comptes.