Les gens en parlent ici comme d'une époque mythique. Le maire emploie le mot «magique». Tous prennent des airs rêveurs lorsqu'ils repensent au printemps de 1998, à Steve Bégin et à Roberto Luongo qui soulèvent la Coupe du président pour les Foreurs de Val-d'Or.

C'était il y a 16 ans, autant dire une éternité. À l'époque, dans la ville minière, les Valdoriens étaient fous de leur équipe. Ils se teignaient les cheveux en vert durant les matchs, qui affichaient toujours complet.

«Les gens étaient tellement fanatiques. J'appelais ça le "Petit Montréal". Les gens adoraient leur équipe, ils en faisaient partie. Dans mon temps, c'était tout le temps plein», rappelle Steve Bégin, qui est à Val-d'Or durant les séries et agit en tant qu'entraîneur-adjoint.

Au fil des ans, les foules ont toutefois fondu comme neige au soleil. La Ville de Val-d'Or a dû éponger des déficits. Il y a deux ans, un groupe de dix hommes d'affaires a racheté l'équipe dans une tentative de la garder en Abitibi. L'atmosphère était sombre.

Mais les Foreurs de Val-d'Or connaissent les séries que l'on sait. Ils ont éliminé le Titan d'Acadie-Bathurst, les Voltigeurs de Drummondville et les puissants Mooseheads de Halifax. Ils se retrouvent en finale de la Coupe du président - honneur remis à l'équipe gagnante de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ) - contre le Drakkar de Baie-Comeau. Soudain, tous les espoirs sont permis.

«Depuis la série contre Drummondville, c'est plein, plein. Ça rappelle 1998, explique l'ancien président de l'équipe Robert Turmel-Mainville, qui détient des billets de saison depuis 20 ans. Les spectateurs sont revenus. Des amateurs se sont rendus à l'aéroport attendre les joueurs et des gens ont même nolisé des avions pour aller voir des matchs à Baie-Comeau! C'est fou.»

Un petit marché

Il ne faut pas marcher longtemps dans les rues de Val-d'Or pour apercevoir le chandail vert forêt des Foreurs, frappé du piolet du mineur. Hier, ils étaient partout sur la 3e Avenue (et aucun chandail du Canadien n'était en vue...). Même le maire, Pierre Corbeil, le portait lorsqu'il a reçu La Presse à son bureau.

Cet ancien ministre libéral devenu maire en novembre est prêt à se laisser aller à la frénésie des séries. Il a même fait un pari avec le maire de Baie-Comeau: le perdant devra présider un conseil municipal revêtu du chandail de l'équipe adverse. Il est le premier à se réjouir des succès de l'équipe et du retour des spectateurs.

Mais le maire de Val-d'Or reste lucide. «Le défi serait d'amener plus de monde dans la saison régulière. Je suis allé à des matchs cette année où il y avait 1400 personnes», dit-il.

L'équipe illustre à merveille le problème des «petits marchés» dans la LHJMQ. Durant la saison, elle attire en moyenne moins de 1800 spectateurs. Et alors que Val-d'Or représentait un marché moyen lorsque la franchise est née en 1993, la ville est maintenant l'une des plus petites de la ligue avec ses 32 000 habitants.

«Depuis 1993, il y a eu des déplacements, des expansions, des franchises sont arrivées à Rimouski, à Halifax, à Moncton, explique le maire Pierre Corbeil. Là, on est dans le 100 000 et plus. Ce n'est plus pareil. Les Remparts de Québec, dans le temps, ils avaient de la compétition des Nordiques. Beaucoup de choses ont changé.

«Ici, il faut compenser par la fougue, la vigueur des sympathisants. C'est un défi de tous les instants», estime le maire.

Une maison sur vingt

Les nouveaux propriétaires ont promis de garder l'équipe au moins cinq ans à Val-d'Or, à 500 km de route au nord de Montréal. La saison dernière, ils n'auraient pas perdu d'argent. Cette année, avec les séries, ils espèrent en faire.

«Nos succès apportent une fierté en ville. On est un petit marché, concède l'un des actionnaires de l'équipe, Daniel Massé. C'est vrai qu'il n'y a pas 10 000 spectateurs à nos matchs. Mais si on compte, il y a une maison sur vingt qui est à l'aréna. On doit améliorer ça. Mais s'il y avait une maison sur vingt qui allait à l'aréna à Québec, ça ne rentrerait pas dans le Colisée.»

L'économie de la ville a été durement touchée par le ralentissement de l'industrie forestière. Le secteur minier a aussi stagné dans les deux dernières années. Pour plusieurs Valdoriens, le départ de l'équipe serait inconcevable. Ce serait l'illustration d'un échec. «Après les séries, il va y avoir une autre saison, puis une autre saison. Est-ce que durer c'est faisable? Je pense que Val-d'Or est capable de passer cette épreuve», dit le maire.

Remporter la Coupe du président donnerait un coup de pouce formidable aux Foreurs. L'exploit permettrait aux propriétaires de renflouer l'équipe. Il ferait revivre aux Valdoriens un peu de la magie de 1998, quand l'aréna était plein à craquer et que tous les espoirs étaient permis pour les Foreurs.