Il a réchauffé le banc des Stampeders, tenté sa chance en Europe et occupé le poste du remplaçant du remplaçant (!) de Brett Favre. Mais ce soir, c'est comme quart émérite qu'Henry Burris tentera d'ajouter une deuxième Coupe Grey à son portfolio déjà bien rempli.

C'est une chose de remporter la Coupe Grey. C'en est une autre de contribuer à la victoire.

Il y a 10 ans, Henry Burris a gagné la Coupe Grey... sans même quitter les lignes de côté. Troisième quart-arrière des Stampeders de Calgary, derrière Jeff Garcia et Dave Dickenson, l'ancien meneur de jeu de Temple était surtout là pour apprendre.

 

À défaut de diriger l'attaque, Burris avait joué les motivateurs dans la victoire de 26-24 des siens contre les Tiger-Cats de Hamilton. «Les entraîneurs m'avaient demandé de crinquer tout le monde avant le match. J'étais déchaîné, je disais tout ce qui me passait par la tête, j'avais l'écume au bord des lèvres... et une caméra à côté de moi qui a tout filmé sans que je le sache!», racontait Burris en riant, plus tôt cette semaine.

Une décennie plus tard, Burris n'a guère changé côté personnalité. Il est toujours aussi souriant et extraverti. Il fallait l'entendre commenter bruyamment la présentation de chacun de ses coéquipiers lors d'un dîner officiel des Stampeders, jeudi. («Faites du bruit», lançait-il dans un français phonétiquement très potable chaque fois qu'un joueur québécois était présenté.)

Mais pour le reste, le Burris de 2008 a peu à voir avec la verte recrue de 1998. Il a passé deux ans dans la NFL, où il a même entrepris un match pour les médiocres Bears de Chicago de 2002, se faisant matraquer par la défense des Buccaneers de Tampa Bay. («J'ai compris comment se sent un chevreuil dans les phares d'une voiture, dit-il. Il aurait fallu que je sois Superman.») Il a fait un détour par Berlin et la NFL Europe, avant de revenir en 2004 dans la LCF, dont il est aujourd'hui, à 33 ans, l'un des quarts émérites. Il a pris de la bouteille, serait-on tenté de dire à propos de cet amateur de grands crûs, qui ne détesterait pas devenir sommelier ou sous-chef après sa carrière de footballeur.

Finaliste malheureux au titre de joueur de l'année - l'honneur est allé à Anthony Calvillo, jeudi - Burris a connu en 2008 sa meilleure saison en carrière dans la Ligue canadienne de football. Il a notamment établi de nouvelles marques personnelles au chapitre des verges par la passe (5094), des passes de touché (39) et des passes complétées (381). Il a aussi gagné 595 verges au sol, un sommet chez les quarts de la ligue, et a été intercepté seulement 14 fois.

«Le jeu d'Henry s'est beaucoup raffiné», dit Dave Dickenson, qui demeure dans l'entourage des Stampeders même s'il ne joue plus depuis le début de septembre en raison de symptômes de commotion cérébrale. «Il a toujours eu un bon bras et il était capable de courir. Mais cette année, il laisse les autres joueurs faire des jeux pour lui, au lieu d'essayer le grand jeu à chaque essai. Il est devenu plus rusé.»

Une évaluation que partage le coordonnateur offensif des Stampeders, George Cortez. «Il a compris que tous les jeux ne sont pas réalisables, qu'il ne peut pas se tenir sur la tête et espérer compléter une passe vers un joueur couvert par trois adversaires!», dit-il. «Mais le plus grand changement, c'est qu'il est devenu plus constant. Il n'a pas eu autant de bas que dans le passé. Il est meilleur qu'avant pour tourner la page sur les mauvais jeux.»

Reconnu pour ses qualités athlétiques, Burris, qui vit à l'année à Calgary, a profité de la dernière saison morte pour ajouter une vingtaine de livres de muscle à sa charpente de six pieds deux pouces. Il fait désormais osciller l'aiguille de la balance à 222 livres. «Je voulais être fort comme un boeuf cette année, dit-il. J'ai gagné assez de force pour être capable de rester dans la pochette, de jouer avec confiance et d'accomplir mon boulot.»

Il l'a certainement accompli contre les Alouettes, que les Stampeders ont battus deux fois cette saison. Burris a réussi six passes de touché et n'a concédé qu'une seule interception, tout en complétant 52 de ses 75 passes. Du solide. «C'est tout un joueur football», convient le maraudeur Étienne Boulay, des Alouettes. «Il a un bras d'une force exceptionnelle. Il peut être en train de se faire plaquer et réussir une passe de 50 verges quand même. Il cherche constamment à passer le ballon dans les zones profondes, mais quand il n'a pas de receveur ouvert, il est aussi capable de courir avec le ballon. Ça ajoute une facette au jeu des Stampeders.»

Comme des gangsters

Reste que pour un quart-arrière, tous les exploits du monde en saison régulière ne veulent rien dire s'ils ne sont pas répétés en séries éliminatoires. Or, entre 2005 et 2007, les Stampeders ont été éliminés trois années de suite en demi-finale de l'Ouest. Burris n'a lancé que deux passes de touché lors de ces trois défaites, tout en se faisant intercepter à sept reprises. Il en faut moins que ça pour se bâtir une réputation de joueur incapable de briller dans les matchs cruciaux.

La victoire de 22-18 des Stampeders face aux Lions de la Colombie-Britannique en finale de la division Ouest, la semaine dernière, a permis à Burris de respirer plus à l'aise. Mais le natif de Spiro, Oklahoma, débarqué à Montréal la tête coiffée d'un chapeau de cowboy noir, mardi, n'a pas l'intention de s'arrêter en si bon chemin. «Nous sommes comme des gangsters venus voler la Coupe aux Alouettes», dit-il.

Remplaçant du remplaçant de Brett Favre chez les Packers de Green Bay en 2001 - poste sans espoir s'il en est un -, Burris a tiré des leçons de son année dans l'entourage du légendaire quart-arrière. «J'ai appris de lui l'éthique de travail, l'intensité et l'énergie que tu dois afficher chaque jour. Brett doit avoir 150 ans, mais il joue comme un enfant dans un magasin de bonbons ! Il faut savourer au maximum cette vie qui nous permet de jouer pour travailler.»