Ben Cahoon l'a dit, et il n'est vraiment pas du type à réciter des platitudes (au besoin, il se taira, tout simplement): ces deux équipes se valent. La défense des Eskimos a joué mieux que celle des Alouettes dernièrement, mais ces derniers possèdent une arme que leurs rivaux ne semblent pas détenir: un porteur de ballon dangereux - lire Avon Cobourne. Les Alouettes ont pulvérisé les Eskimos à Montréal en septembre; les Eskimos se sont moqués des Alouettes à Edmonton il y a deux semaines. Deux prolifiques passeurs, une belle rivalité et la Coupe Grey qui sera disputée dans le même stade le week-end suivant. Votre attachement au CH est profond, on le comprend, mais l'événement sportif de la journée, c'est au Stade olympique qu'il se déroulera.

QUAND LES ESKIMOS AURONT LE BALLON

On imagine que vous devez maintenant savoir que Ricky Ray est l'homme à vaincre du côté des Eskimos... Lorsqu'un journaliste a demandé à Étienne Boulay de résumer les Eskimos en une phrase cette semaine, le maraudeur a répondu: Ricky Ray.

 

Si le flegmatique quart-arrière des Eskimos a le temps de repérer ses receveurs, s'il a l'air de Lucky Luke et qu'il lance des pois, vaut mieux vous prévenir tout de suite, vos Moineaux seront dans le trouble. Même les demis défensifs des Alouettes le disent, si Ray obtient le temps nécessaire, il ne restera plus qu'à constater les dégâts.

Keron Williams et Jermaine McElveen. Ces noms ne disent peut-être pas grand-chose à certains d'entre vous, mais c'est eux qui pourraient décider du résultat. Tous les joueurs de la première ligne devront offrir une performance du tonnerre, mais particulièrement ces deux-là.

Les Alouettes ont réussi six sacs aux dépens de Ray et des Eskimos lorsqu'ils les ont anéantis, 40-4, en septembre. McElveen avait mérité le titre de joueur défensif de la semaine grâce à une performance de trois sacs (ç'a honnêtement paru plus comme cinq ou six). Libéré par les Titans du Tennessee en août 2007, McElveen a connu tout un camp à Saint-Jean, en juin. Il a toutefois été retranché faute de place. D'ailleurs, c'est notamment parce qu'ils voulaient faire une place à McElveen que les Alouettes ont échangé Alain Kashama aux Tiger-Cats de Hamilton quelques mois plus tard.

Williams, lui, peut réduire un plan de match en miettes à lui seul. Il a donné toutes sortes d'ennuis à certains clubs. Les plaqueurs aussi rapides - et légers - sont rares. En raison de son gabarit, Williams est bien sûr moins efficace contre la course, mais le jeu au sol des Eskimos semble plus l'affaire de centres-arrières pas trop rapides que de demis typiques. S'ils paient le prix, les Alouettes ne devraient pas connaître trop d'ennuis contre la course.

Pourquoi donc est-ce si important pour les Alouettes de presser Ricky Ray, à part de raccourcir leurs jeux? Parce que la tertiaire ne tiendra pas le coup contre Kelly Campbell, Kamau Peterson et les autres receveurs. Trop de blessés, trop d'instabilité depuis juin.

Prenez le poste de maraudeur, par exemple. Pascal Masson, Matthieu Proulx, Chris Smith, Étienne Boulay, Proulx, Boulay et Proulx. Voilà l'ordre de ceux qui ont occupé le poste régulier depuis juin.

Et depuis que Randee Drew est tombé au combat en août, c'est tout autant une porte tournante au très important poste de demi défensif du côté court. La tâche risque d'ailleurs d'être partagée entre Khalil Carter et Keith Williams cet après-midi...

C'est finalement Proulx qui patrouillera la zone profonde. Un défi imposant, mais Proulx est un joueur intelligent, qui maîtrise bien le système et qui possède de bons instincts sur le terrain. Le Québécois rêve d'obtenir une occasion semblable depuis longtemps, la voici.

Si la ligne est incapable d'exercer suffisamment de pression, les Alouettes devront s'en remettre au blitz aux moments opportuns. Évidemment, on s'expose ainsi aux longues passes, mais il s'en complétera d'une façon ou l'autre si Ray obtient trop de temps. Ce n'est vraiment pas si compliqué.

 

QUAND LES ALOUETTES AURONT LE BALLON

Note aux partisans des Alouettes (ou plutôt aux gens qui aiment assister aux matchs, mais qui ne comprennent pas trop comment ça fonctionne au football): le bruit et les petits bâtons en plastique qui étaient à la mode en 2002, c'est quand la défense est sur le terrain, pas l'attaque.

Ça peut paraître condescendant de le rappeler, mais imaginez-vous donc que les Alouettes se sont entraînés avec la musique dans le tapis (du gros AC/DC) cette semaine - juste au cas où la foule se mettrait à délirer au point de rendre toute communication sur le terrain impossible pour l'attaque. Encore une fois: tout le vacarme du monde en défense, pas un son en attaque. Compris? C'est pour vous que je le fais.

Alors, les forces en présence. Les Alouettes ont marqué au moins 30 points 15 fois à leurs 16 premiers matchs, puis ont fermé boutique. Eux disent que non, moi je dis que oui. Croyez qui vous voulez, c'est votre droit.

Si j'étais un membre des Eskimos, il y a une chose qui me ferait peur. Ils n'ont pas affronté Avon Cobourne cette saison. Ce n'est pas un hasard si l'attaque des Alouettes n'était pas irrésistible comme en milieu de saison dans la dernière ligne. Mike Imoh est un bon joueur et un type sympathique, mais il n'est pas Avon Cobourne.

S'il était demeuré en santé, Cobourne serait probablement devenu le premier joueur de l'histoire de la LCF à amasser au moins 1000 verges au sol et 1000 par la passe dans une même saison. Ça change une attaque lorsqu'on perd un joueur semblable. Les Eskimos ont-ils un secondeur capable de le suivre? Ça reste à voir.

La présence du diminutif, mais combien physique, demi servira également la protection. «La première chose qui a joué en faveur d'Avon au camp, c'est qu'il était un excellent bloqueur», a mentionné Marc Trestman, hier.

Il est avec raison beaucoup question de ce qui pourrait survenir si Ray obtient trop de temps avec le ballon, mais le résultat pourrait être identique si Anthony Calvillo reçoit le même privilège. Ben Cahoon, Jamel Richardson et Kerry Watkins, ce ne sont pas des pieds de céleri.

Le quart-arrière de 36 ans sera-t-il enfin capable de transposer ce qu'il fait en saison régulière aux séries éliminatoires? C'est bien sûr la question sur toutes les lèvres. Ce qui est certain, c'est que le huer après deux passes incomplètes n'aiderait sûrement pas les choses...

Les Eskimos ont une très bonne première ligne en défense et n'hésiteront sûrement pas à appeler quelques blitz afin de secouer Calvillo. C'est habituellement la recette. L'ailier Fred Perry et le plaqueur Dario Romero sont les pièces maîtresses de la ligne des Eskimos. Excellente depuis le tout début de la saison, la ligne à l'attaque des Alouettes devra tenir son bout et s'assurer que le numéro 13 reste bien droit sur ses jambes.

La première fois qu'ils ont affronté les Eskimos - la fois qu'ils avaient un plan de match -, les Alouettes ont marqué des points à chacune de leurs six premières séries en attaque. C'était particulièrement difficile de rater un dimanche de la NFL pour être témoin de pareil carnage, je peux vous le confirmer. Et Cobourne portait une tuque, pas un casque.

LE CHOIX

Ricky Ray a une fiche de 3-0 en finale de division et de 2-1 en finale. Autrement dit, plus l'enjeu est grand, plus Ricky tire. Ce n'est pas tout à fait la même histoire dans le cas d'Anthony Calvillo, on le sait tous. Mais Calvillo n'a jamais mieux joué. L'épisode éprouvant qu'il a vécu l'année dernière semble l'avoir changé. On voit un joueur moins craintif, plus convaincant. L'arrivée de Marc Trestman a également eu une grande incidence sur son jeu, bien entendu. Calvillo a un tas d'armes à sa disposition et les Alouettes ont eu deux semaines pour panser leurs plaies et concocter leur plan. Trestman remportera son premier match éliminatoire en sol canadien, mais en sera quitte pour une bonne frousse. Un héros obscur? Chip Cox. Lui et Mark Estelle doivent absolument être à la hauteur. Sinon, les Alouettes devront vite vider leur vestiaire avant que les Eskimos n'y transfèrent leur équipement pour la semaine. Bon match.

Photo: PC

Anthony Calvillo