Dimanche soir, Johnny Manziel apprenait qu'il était échangé aux Alouettes. Lundi, il foulait déjà le terrain avec ses nouveaux coéquipiers, après avoir fait le trajet Hamilton-Montréal. Après l'entraînement? De retour à Hamilton!

«J'ai toutes mes choses, j'ai enfin mes crampons, je ne les avais pas hier», a-t-il raconté après l'entraînement de mardi. Entraînement auquel il a participé après avoir fait un autre trajet Hamilton-Montréal le matin.

Bref, Luc Brodeur-Jourdain a peut-être le mieux résumé la situation du nouveau quart des Alouettes en vue du match de jeudi contre les Eskimos d'Edmonton.

«Un jeune quart, échangé dans une semaine courte, qui a dû retourner à la maison chercher ses choses, il a besoin de plus de trois jours pour se familiariser», a répondu le vétéran joueur de ligne offensive.

Si le statut de Manziel obsède tant les observateurs, c'est que déjà, la saison des Alouettes est menacée. L'équipe bouclera le premier tiers de la saison jeudi, et une défaite aux mains des Eskimos lui donnerait une fiche de 1-5. Et avec une moyenne de 13,8 points par match, l'attaque est vue comme la principale responsable des maux de l'équipe. Et si un Manziel plus sage que lors de son séjour dans la NFL devenait le sauveur?

Il faudra visiblement patienter avant que ce scénario se concrétise. Mardi, à l'entraînement, Vernon Adams fils a pris la majorité des répétitions avec la première unité. On a bien vu Manziel participer à quelques séquences, mais c'est surtout le numéro 8 qui était en action mardi. Pour Adams, il s'agirait d'un premier départ cette saison.

L'entraîneur-chef de l'équipe, Mike Sherman, n'a rien voulu confirmer quant à l'identité de son quart pour le match de jeudi. Notons toutefois que Drew Willy, le quart numéro 1 de l'équipe jusqu'ici, est sur la touche en raison d'une blessure à un doigt, tandis que Matthew Shiltz, venu en relève de Willy samedi, est lui aussi éclopé (main gauche).

«Tous les quarts auront une chance égale d'être partant. Je ne nommerai pas un partant aujourd'hui quand on a encore une journée pour prendre une décision», a simplement dit Sherman.

Quelques jeux?

On peut cependant se demander si on ne verra pas «Johnny Football» pour quelques séquences dès jeudi. Le principal intéressé n'a pas exclu cette possibilité.

«Je ne pourrais pas parcourir le livre de jeux et affirmer que je maîtrise tout dès [jeudi], a admis Manziel. Si on me demande quelques jeux pour lesquels je suis à mon aise, bien sûr. Mais ça ne rendrait service ni à moi ni à l'équipe si j'allais dans la mêlée sans être sûr à 100% de ce qui se passe. Je veux comprendre ce qui se passe le plus rapidement possible.»

Pour la deuxième journée de suite, Manziel a rencontré les médias et a répété toutes les réponses que son équipe veut entendre. Reste à voir s'il mettra tout le sérieux requis, lui qui traîne une lourde réputation. Manziel continue à afficher son sérieux, mais le Hamilton Spectator a rapporté qu'il avait été absent ou en retard pour quelques réunions d'équipe avec les Tiger-Cats.

«Il était ici très tôt», a laconiquement répondu Sherman quand il a été interrogé sur l'assiduité de son nouveau protégé.

Aucun doute : Manziel devra être ponctuel chaque jour s'il souhaite accélérer son intégration. Le livre de jeux, c'est une chose, mais Manziel doit aussi poursuivre son apprentissage du football à 3 essais et à 12 joueurs. Même s'il est avec les Ti-Cats depuis mai, il n'a toujours pas lancé une seule passe en saison.

«Le défi pour un quart, c'est surtout la lecture de la défense, estime Brodeur-Jourdain. Le football de la NCAA ou de la NFL est totalement différent de celui de la Ligue canadienne au point de vue défensif. Ils sont habitués à voir deux maraudeurs; ici, il n'y en a qu'un. Tu dois gérer plusieurs motions. Aux États-Unis, tu bouges ton pied, et c'est tout.

«Et pour chaque jeu dans le livre, tu as un certain nombre d'options, poursuit le Québécois. Sur un jeu au sol, tu dois lire l'ailier défensif pour savoir si tu l'attires ou si tu donnes le ballon au demi offensif. Sinon, tu dois décider à qui tu passes. Ça te prend aussi des répétitions avec ton porteur de ballon. Demander à un joueur d'être un plug and play, à une position aussi importante que celle de quart, c'est dur à exécuter. C'est facile à comprendre, mais difficile à exécuter.»

«Ce n'est pas tant de connaître le livre de jeux que d'avoir de la cohésion, ajoute un autre joueur de ligne, Kristian Matte. Il faut se connaître.»

Washington semble prêt

On a beaucoup parlé de Manziel, mais moins de Tony Washington, un des deux joueurs de ligne offensive acquis des Tiger-Cats. Si on se fie aux formations observées mardi, Washington a déjà sa place comme partant, à la position cruciale de bloqueur à gauche.

Washington est un vieux de la vieille, qui compte 92 matchs d'expérience dans la LCF, avec quatre équipes. L'apprentissage en 72 heures, pour lui, ce n'est pas sorcier. «Il s'agit d'étudier. Je suis dans la ligue depuis si longtemps, les attaques finissent par se ressembler. C'est simplement de comprendre la nomenclature», explique le géant de 6 pi 7 po.

La ligne offensive est généralement vue comme la position la plus simple à assimiler en attaque. «Et dans le groupe même de la ligne offensive, la position la plus simple est celle de plaqueur à gauche, car dans 90% des jeux, tu bloques un ailier défensif, rappelle Brodeur-Jourdain. Mais c'est beaucoup plus demandant du point de vue physique, car tu es opposé à des joueurs rapides, athlétiques.»

Avec l'arrivée de Washington et le retour en santé du garde Philip Blake, ça devrait être plus stable à la gauche de Matte, le centre. Rappelons que les Alouettes viennent au dernier rang de la LCF avec 17 sacs du quart accordés. L'instabilité au sein de la ligne offensive n'y est sans doute pas étrangère. Coïncidence ou pas, les Alouettes ont déployé la même ligne offensive dans un deuxième match de suite une seule fois cette saison: lors de la victoire en Saskatchewan. La stabilité serait-elle une des clés du succès?

«Tu me poseras la question dans deux semaines quand on aura eu cette stabilité. Pour le moment, on vient d'avoir un jour de stabilité!», a lancé Sherman.

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Toujours pas d'Adarius Bowman

Perdu dans le tourbillon de l'arrivée de Johnny Manziel, il y a aussi eu l'ajout du receveur Adarius Bowman, acquis des Blue Bombers lundi. Le demi inséré de 33 ans était, jusqu'à l'an dernier, un des receveurs les plus dominants de la LCF, mais il n'a capté que neuf passes en six matchs cette saison. Sa présence jeudi demeure incertaine, puisqu'il était absent de l'entraînement de mardi. Les raisons de son absence demeurent nébuleuses. C'est donc dire qu'il n'aura, au mieux, que l'entraînement léger de mercredi pour se familiariser avec le répertoire de jeux des Alouettes.

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Dans la chaleur!

Il faisait chaud et humide mardi à l'extérieur, mais aussi sous le toit du Stade olympique, où s'entraînaient les Alouettes. Il suffisait de voir le vétéran coordonnateur défensif Rich Stubler suer sous son coton ouaté gris pour s'en convaincre... C'est un Kristian Matte tout détrempé qui s'est présenté pour son entrevue avec La Presse. «Je peux perdre de 9 à 10 lb pendant un entraînement. Je ne sais pas pour les autres, mais moi, c'est ça. Dès que je sors d'ici, je bois, je bois, je bois. Je me pèse après les entraînements pour être sûr que je reprends mon poids. Il faut s'hydrater et prendre des électrolytes», a rappelé le colosse de 6 pi 4 po et 296 lb.