Rakeem Cato en a impressionné plus d'un à son premier match avec les Alouettes la semaine dernière. Tout semblait presque facile pour le quart-arrière recrue. Tout le contraire de ce qu'il a connu au cours de sa jeunesse.

Cinquième d'une famille de sept enfants, le pivot de 23 ans n'a presque pas connu son père. À sa naissance, ce dernier purgeait déjà une peine de 20 ans de prison pour vol qualifié.

Sa mère Juannese a donc dû élever sa marmaille seule dans leur minuscule logement de Liberty City, un quartier situé non loin du centre-ville de Miami. Un quartier gangrené par une criminalité galopante. Un quartier où la mort ne traîne jamais bien loin.

«Lors d'une mauvaise journée, vous pouviez voir n'importe quoi. Des vols qui se déroulent juste à côté de vous, des meurtres, des coups de feu qui sifflent partout... C'est dur», relate Cato en entrevue avec La Presse.

De son propre aveu, il aurait très bien pu être emporté à son tour par cette spirale. Mais Cato a trouvé son salut dans le sport. Que ce soit à l'école ou au centre d'activités pour jeunes qu'il fréquentait, il a consacré ses énergies au baseball, au basketball... et au football, bien sûr.

La vie lui a cependant asséné un autre coup dur en 2005 lorsque sa mère est morte d'une pneumonie. Elle venait à peine d'avoir 39 ans. Cato, lui, en avait 12. Sa soeur aînée Shanrikia, alors âgée de 18 ans, s'est vu confier sa garde.

«Le jour où ma mère est décédée, j'avais un match de baseball le soir même. J'ai disputé le match malgré tout. Tout ça m'a fait grandir très vite et ça a fait de moi un homme. J'ai compris que c'était alors à moi de décider d'où viendraient mon prochain repas ou mes prochains vêtements. Je me suis mis à réfléchir à tous les petits détails qui allaient me permettre d'arriver là où j'en suis», explique-t-il.

«Attitude de gagnant»

C'est en jouant au football qu'il s'est lié d'amitié avec Tommy Shuler. Les deux hommes ont joué ensemble à l'école secondaire d'abord, puis avec le Thundering Herd de l'Université Marshall. Cato était le quart-arrière et Shuler, son receveur de prédilection. Ensemble, ils ont pulvérisé nombre de records.

«Il aimait qu'on l'entende dans le vestiaire et il était de nature directe. Certains lui ont reproché cette attitude, mais c'était une attitude de gagnant, comme celle de n'importe quel athlète», raconte Shuler lorsque joint par La Presse.

Voilà un portrait qui semble à des années-lumière du Cato timide et à la voix douce que l'on côtoie depuis les dernières semaines chez les Alouettes.

«Quand il commencera à être à l'aise, il se fera entendre», prévient toutefois Shuler.

Une pensée spéciale

En dépit d'une carrière universitaire auréolée, Cato n'a pas été repêché dans la NFL. Certains recruteurs ont été refroidis par son modeste gabarit, 6' et 178 lb.

Sa superbe prestation contre les Stampeders de Calgary, vendredi dernier, a cependant attiré l'attention de bien du monde, dont celle de ses parents et amis aux États-Unis qui avaient bien hâte de le voir à l'oeuvre.

«Je lui ai donné un B-, mais c'était seulement pour le narguer, lance Shuler. Il a toujours été son critique le plus sévère. Il ne peut que s'améliorer. C'est ce genre de personne. J'étais encore plus heureux que lui de sa performance.»

Cato, de son côté, a pour seul objectif de maintenir la cadence établie et d'aider les siens à accumuler les victoires. «Comme je le dis toujours à Jim [Popp, directeur général des Alouettes], vous m'avez fait un cadeau en m'amenant ici. Je dois seulement profiter du moment présent», indique-t-il.

Il travaillera à l'atteinte de ces objectifs tout en gardant une pensée pour sa mère, comme c'est le cas chaque fois qu'il saute sur le terrain.

«Je sais qu'elle me regarde, et j'essaie de faire ma part pour qu'elle soit fière de ce que je fais», dit Cato, une étincelle dans les yeux.