Il y a de ces histoires dont la fin ne peut être que triste. De ces histoires où la conclusion, inévitablement, sera noire, sombre, avec un héros dont la chute ne surprendra personne. Parce que ça devait finir comme ça.

L'histoire de Lawrence Phillips est l'une de ces histoires. Elle devait finir mal. Et elle finit très mal, en effet.

Vous vous souvenez de lui, n'est-ce pas? Enfance difficile. Talent incroyable. Grand joueur de football à l'Université du Nebraska, trop souvent mêlé aux histoires à saveur judiciaire. Sixième choix en 1996 au repêchage de la NFL, devant des vedettes comme Ray Lewis et Marvin Harrison. Trois chances avec trois clubs du football américain, trois occasions ratées. Puis, en 2002, la renaissance chez nos Alouettes, le temps d'une conquête de la Coupe Grey.

Ensuite? Des problèmes. Puis d'autres problèmes. Puis cette brève dépêche d'Associated Press, arrivée sur nos écrans hier après-midi: Lawrence Phillips est accusé d'avoir agressé une copine en 2005. Il pourrait écoper de 25 ans de prison, lui qui est déjà en tôle pour 10 à la suite d'un incident survenu à Los Angeles il y a quatre ans; il avait tenté de foncer sur trois ados avec sa voiture au terme d'un match de touch football amical...

Les athlètes professionnels ont souvent des deuxièmes et des troisièmes chances. Pour les plus talentueux, c'est encore plus. Lawrence Phillips en était là, à sa 20e chance peut-être, quand les Alouettes lui ont fait signe il y a sept ans. Ça avait bien commencé. Je me souviens d'un match au stade Molson, au terme duquel il s'était proclamé le meilleur porteur de ballon de l'histoire du football canadien...

Cette saison-là, il avait déserté l'équipe deux fois. À la mi-saison, La Presse m'avait dépêché au Nebraska pour fouiller un peu dans son terrible passé. J'étais revenu avec son dossier policier, épais comme ça. La Presse avait publié sa photo d'identification judiciaire. Le coach Don Matthews m'avait banni du vestiaire, et le gros Lawrence m'en voulait un peu pas mal beaucoup. Une chance qu'un des gars de la ligne à l'attaque m'avait promis qu'il allait le surveiller du coin de l'oeil...

J'en ai vu des porteurs de ballon en 10 ans de couverture de la NFL. Mais je n'ai jamais vu un gars au talent aussi pur, un gars aux jambes aussi énormes, un gars aux genoux aussi hauts quand il se mettait à galoper. Avec un minimum de jugeote, Lawrence Phillips aurait pu devenir un des grands.

Mais non. Le Lawrence Phillips qu'on a connu à Montréal, c'est un type qui ne parlait presque à personne, un type qui dormait la tête dans son casier quand les entraînements étaient trop matinaux pour lui, un type qui avait des écouteurs sur les oreilles et qui était dans son propre monde lors du défilé de la Coupe Grey par un beau jour de novembre. Comme si personne ne pouvait comprendre ce qui se passait vraiment dans sa tête.

Je l'ai revu brièvement à Calgary la saison suivante, alors qu'il en était à sa dernière chance chez les Stampeders. Il avait voulu me bousculer en passant devant moi dans le hall de l'hôtel de l'équipe.

Un jour, un membre de la direction des Alouettes m'avait dit ceci à propos de Lawrence Phillips: «Ce gars-là va finir en prison.»

Lawrence Phillips est maintenant en prison. Dans son cas, c'était sans doute la seule conclusion possible.