La première chose qu'on remarque à l'aéroport de Pittsburgh, c'est la présence de deux mannequins à la sortie. L'un des mannequins, celui de droite, est à l'effigie de George Washington. L'autre mannequin est à l'effigie de... Franco Harris.

Ça vous dit tout ce qu'il y a à dire sur la ville de Pittsburgh. Par ici, on juge qu'un gars qui a déjà porté le ballon pour les Steelers est aussi important, sinon plus, qu'un gars qui a été le premier président des États-Unis. C'est vrai que Franco Harris a réussi la fameuse «Immaculate Reception», alors que George Washington n'a jamais été foutu d'attraper un seul ballon de sa vie (en tout cas, j'ai fouillé sur YouTube, et je n'ai rien trouvé).

Vous savez combien Montréal est hockey? Pittsburgh, elle, est football. Complètement. Et c'est encore pire cette semaine; même s'il faisait un très confortable -11°C. hier, il y avait quand même des partisans qui attendaient les joueurs des Steelers à la sortie de leur centre d'entraînement.

De toute évidence, on est prêt pour le grand match: la finale de la Conférence américaine, présentée au Heinz Field, dimanche soir. Les Steelers contre les Ravens de Baltimore. Le gagnant s'en va au Super Bowl.

«C'est le genre de match qui est excellent pour les fans, parce que vous avez là deux équipes qui vont se taper dessus pendant 60 minutes», a résumé hier l'ailier défensif Aaron Smith, des Steelers.

«On a souvent joué contre les Patriots en finale de conférence, mais contre les Ravens, ça va être différent, a fait remarquer le demi de sûreté Troy Polamalu. Contre les Patriots, c'est un peu comme une partie d'échecs. Contre les Ravens, c'est plutôt comme une bataille de rue.»

Dans le vestiaire des Steelers, la plupart des gars ont résumé le match en ces mots: une partie entre deux équipes qui ne s'aiment pas.

Ça promet.

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Pittsburgh n'est pas si différente des autres villes industrielles qui sont plantées dans ce coin de l'Amérique. Ici aussi, on voit des commerces qui sont déserts, des maisons qui sont à vendre, un centre-ville qui semble laissé à l'abandon. C'est clair, la tempête économique frappe fort dans ce coin de pays.

«La crise économique ne va pas s'arrêter si on gagne dimanche, a tenu à dire Troy Polamalu de son ton calme habituel. Mais si on gagne, peut-être que ça va aider l'économie un peu, parce que les fans vont probablement se mettre à dépenser pas mal fort après le match!»

Polamalu sait de quoi il parle. À sa sixième saison chez les Steelers, il a depuis longtemps constaté que l'humeur de la ville dépend de son équipe de football.

«Je me souviens du match qu'on avait perdu en finale de conférence contre les Patriots il y a quatre ans... Le lendemain, j'avais l'impression que le ciel était plus gris que d'habitude. Il y avait de la déprime partout en ville, on pouvait le sentir. La ville était vraiment à terre. C'était terrible...»

C'est comme ça quand on joue pour les Steelers. On met ce casque noir, on enfile cet uniforme noir et jaune, et puis tout d'un coup, c'est le moral de toute une ville qu'on porte sur ses épaulettes.

«Il faut vivre à Pittsburgh pour comprendre combien c'est une ville de cols bleus, a ajouté Aaron Smith. Les gens d'ici sont des gens simples, ce sont des travailleurs, et ils sont dédiés à notre cause. Ce n'est pas pour rien qu'on voit des fans des Steelers partout où on va. Je peux vous dire que quand on perd un match important, ce n'est jamais très joyeux par ici...»

En attendant le gros match en question, la ville est déjà couverte de jaune et de noir. Une petite ballade en direction du centre d'entraînement de l'équipe permet de bien saisir toute la folie. Il y a des serviettes jaunes partout, même sur les façades des musées. Les tours à bureaux affichent en grosses lettres des slogans d'encouragement aux Steelers. Même le maire de la ville, Luke Ravenstahl, a pris la sage décision de faire changer temporairement son nom pour Steelerstahl - la comprenez-vous? - jusqu'au match de dimanche.

«Nous avons les meilleurs fans de la ligue», a résumé Aaron Smith.

Et peut-être aussi le maire le plus fou.