Danica Patrick a perdu sa 63e course IndyCar consécutive, dimanche dernier à Sonoma, et si vous ignorez toujours que sa fiche est maintenant d'une victoire en 112 courses, il y a un site internet qui fait état de façon obsessionnelle de ses résultats en demi-teinte en qualifiant la pilote d'athlète surexposée et non-méritante.

Il ne s'agit pas d'un nouveau site, mais depuis que Patrick a annoncé la semaine dernière qu'elle quittait l'IndyCar pour joindre le NASCAR à temps plein, les mauvaises langues se sont plus que jamais déliées avec force commentaires désobligeants qui frisent parfois le sexisme.

Personne n'a sans doute jamais remarqué comment s'habille le quintuple champion de la série Sprint Jimmie Johnson à l'occasion de conférences de presse, mais une publication a qualifié de «talons hauts de prostituée» les chaussures orangées que Danica Patrick portaient lors de son point de presse de jeudi dernier. On a aussi parlé d'elle en utilisant malicieusement son nom de mariage, Mme Paul Hospenthal, on l'a surnommée «Mme Arrogante» tout en répétant inlassablement ses médiocres statistiques en IndyCar, alors que les amateurs lançaient le débat à savoir si elle a sa place ou non en NASCAR.

Tout ça est un brin méchant, c'est certainement injuste et, pire encore, on se trompe de cible.

En course automobile, le talent et la performance ne sont pas les plus importants critères d'embauche, contrairement à d'autres sports professionnels. C'est l'argent qui fait foi de tout, et tout particulièrement dans l'univers très médiatisé du NASCAR. Personne ne peut obtenir un volant dans la série reine du stock-car américain sans commanditaires, et ceux qui réussissent à obtenir de bons partenaires corporatifs sont toujours ceux qui finissent par être assis derrière le volant. À toutes les semaines, dans n'importe quelle course donnée, il y a un pilote qui a frayé son chemin jusqu'à la ligne de départ simplement parce qu'il a réussi à trouver suffisamment d'argent pour se payer un volant.

L'importance du marketing

Il y a huit mois, Kevin Conway montait sur la scène à Las Vegas pour aller cueillir son trophée de recrue de l'année en série Sprint. Pourtant, personne n'avait jamais entendu parler de lui avant que son nom apparaisse du jour au lendemain au sein du plateau de la série numéro 1 du NASCAR, sans compter que son pedigree ne lui permettait pas d'espérer rouler à un tel niveau. La suite nous a montré que Conway est un fin stratège de la vente et qu'il a réussi à concocter un cocktail de commandites qui lui a permis de rouler avec certains des meilleurs pilotes au monde. Il n'a pas gagné de course, n'a même pas réussi à signer un seul top-20 et, en 28 départs, n'a terminé que quatre fois en haut de la 30e position. Il a néanmoins obtenu le titre de recrue de l'année et, à ce titre, obtenu son ticket pour la course des Étoiles, au mois de mai dernier.

Cette situation a fait grincer les dents de certains spécialistes, mais ce n'est rien en comparaison du venin qui est constamment craché sur Danica Patrick. La pilote et son équipe de maketing ont certes maîtrisé mieux que quiconque le modèle d'affaires du sport automobile, créant un lucratif et durable partenariat avec GoDaddy.com. Maintenant, la direction de l'entreprise web a choisi d'investir son argent en NASCAR, en appui à Patrick, qui va participer en 2012 à toutes les courses de série Nationwide avec l'écurie JR Motorsports en plus de disputer de huit à 10 épreuves de série Sprint avec l'équipe Stewart-Haas Racing.

Ainsi, on essaye de nous convaincre que les écuries devraient refuser d'encaisser les chèques sous prétexte que les résultats en piste de Patrick ne sont pas à la hauteur.

Mais le sont-ils vraiment?

Photo AP

Danica Patrick a réalisé un travail remarquable en bâtissant son image de marque, qui a séduit beaucoup plus que les seuls amateurs de course.

En 20 courses en série Nationwide avec JRM, Patrick a signé trois top-10, avec à la clé une belle quatrième place à Las Vegas et 13 tours passés en tête à Daytona. Ses tops-10 ont tous été obtenus cette saison, en sept départs, ce qui lui confère une moyenne de 43%. Le gagnant des 500 Milles de Daytona, Trevor Bayne, a obtenu neuf tops-10 en 20 courses Nationwide - une moyenne de 45%.

Le premier top-10 de Danica Patrick est survenu à sa 15e course en carrière. L'ancienne gloire de l'IndyCar Sam Hornish n'a signé aucun résultat semblable en 11 courses Nationwide avant de passer en série Sprint alors que Dario Franchitti a fait le saut après avoir échoué de terminer parmi les 20 premiers à ses quatre départs dans l'antichambre de la "Cup". Malgré le fait que certains étaient sceptiques quant à leurs chances en série Sprint, personne n'a jugé que Hornish et Franchitti ne méritaient pas leur place au sommet du NASCAR.

Cela dit, aucun des deux n'a jamais réussi à attirer l'attention comme l'a fait Danica Patrick. Elle a réalisé un travail remarquable en bâtissant son image de marque, qui a séduit beaucoup plus que les seuls amateurs de course. Ses six top-10 à ses sept participations aux 500 Milles d'Indianapolis ont donné un second souffle à cette mythique épreuve et sont la preuve qu'elle peut rouler à plein régime sur les ovales les plus prestigieux.

Certes, c'est sans doute injuste pour les pilotes talentueux qui se battent bec et ongles pour obtenir leur chance et qui ratent leur coup à cause d'un manque de financement. Mais c'est le système qui est à blâmer, pas Danica Patrick. Elle a joué le jeu à perfection, peu importe ce qu'elle a accompli - ou non - derrière le volant.

Photo La Presse Canadienne

Danica Patrick lors de son récent passage au NAPA 200, à Montréal.