Quelques heures après la mort du Briannique Dan Wheldon, la colère avait rejoint la tristesse parmi les autres pilotes qui ont pris part à la course finale de la série IndyCar à Las Vegas.

«Nous n'aurions jamais dû courir ici», a souligné le Québécois Alex Tagliani en entrevue tard dimanche soir. Très ému, la voix brisée par les sanglots, Tagliani a rappelé: «J'avais déjà roulé ici ne 2004 et je me souviens avoir déjà eu un mauvais sentiment. C'est très rapide et les pilotes peuvent rouler partout, ce qui créé des situations très dangereuses. On roulait tous ensemble, littéralement les uns sur les autres, et c'était évident qu'il y aurait un carambolage.»

Le champion de la série, l'Écossais Dario Franchitti, a lui-aussi dénoncé la décision de courir à Las Vegas. «J'aime la compétition et je ne recule devant aucune lutte en piste, tous les pilotes peuvent le confirmer, a souligné Franchitti en entrevue à ESPN. Mais il faut aussi respecter les règles de sécurité et ce n'était pas possible aujourd'hui (dimanche) sur ce circuit. C'est devenu évident après un tour ou deux qu'il y aurait des accidents. C'est terrible de constater que cela a coûté la vie à l'un d'entre nous...»

C'est le directeur de la série, Randy Bernard, qui avait eu l'idée de terminer la saison à Las Vegas sur un circuit où les voitures IndyCar n'avaient plus roulé depuis 2005 en raison notamment des risques trop élevés. La proximité de la capitale du jeu et les perspectives de promotions avaient pris le dessus sur les impératifs de sécurité. Bernard, qui en est à sa deuxième saison à la tête de l'IndyCar, a promis de relancer la série toujours en perte de vitesse face au NASCAR.

Il avait ainsi mis sur pied la promotion offrant un boni de cinq millions, à partager entre le pilote «occasionnel» capable de gagner la course et l'amateur gagnant d'une loterie. Comme Wheldon n'avait pas de volant régulier cette saison - malgré sa victoire aux 500 milles d'Indianapolis -, il avait été déclaré éligible et Bernard avait manoeuvré pour lui trouver une voiture performante, en l'occurrence celle que Tagliani avait qualifié en position de tête à Indianapolis. Le Britannique était d'ailleurs le seul pilote en course pour ce boni.

Dimanche soir, le Canadien Paul Tracy a suggéré que les cinq millions soient placés en fiducie pour éventuellement être remis aux jeunes fils de Wheldon, Sebastian (2 ans) et Oliver (8 mois).

Sécurité remise en cause

Dans une perspective plus large, l'accident a soulevé de nombreuses questions sur la sécurité des voitures en IndyCar. Avec leurs fonds plats, leur légèreté et des moteurs capables de les propulser à près de 250 m/h, les monoplaces se transforment en fusée lorsqu'elles «décollent» sur les roues des voitures qui les précèdent. Cela s'est produit au moins trois fois dans le carambolage du 12e tour, dimanche, à Las Vegas. Les pilotes J.R. Hildebrand et Will Power ont été quittes pour des blessures mineures, mais Wheldon a été tué sur le coup quand sa voiture a heurté les grillages de sécurité.

Le Québécois Patrick Carpentier, récemment retraité, vit à Las Vegas et a vu l'accident à la télé. «J'ai couru sur ce circuit en 2005 et les conditions y sont vraiment dangereuses en IndyCar, a-t-il souligné en entrevue à RDS. Avec les vitesses atteintes aujourd'hui, je ne serais pas surpris de voir un jour une voiture s'envoler au-dessus des grillages de protection...»

Devra-t-on assister à un tel accident, avec les conséquences tragiques qu'on devine, avant de voir les autorités sportives prendre des mesures efficaces? De nouveaux châssis Dallara seront utilisés en 2012 et c'est justement Wheldon qui en a assuré le développement au cours des derniers mois en essais privés. On évoquait déjà hier la possibilité d'améliorer la cellule de sécurité de ces châssis au niveau de la tête des pilotes.

Quoi qu'on fasse, la course automobile restera toutefois un sport dangereux. Alex Tagliani a rappelé dimanche que les pilotes sont conscients des risques qu'ils courent chaque fois qu'ils prennent le volant. «On peut dire ce qu'on voudra, Dan s'est simplement retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, a estimé le pilote Québécois. C'était sa destinée.»

Photo AP

Des amateurs ont rendu hommage à Dan Wheldon en déposant des gerbes de fleurs à la porte d'entrée du circuit d'Indianapolis, qui a vu le pilote britannique triompher deux fois.