La disparition de l'écurie Aguri Suzuki soulève bien des inquiétudes dans les paddocks.

Il faut savoir qu'il y a deux ans, la FIA avait permis aux grands constructeurs de vendre leurs châssis de l'année précédente aux petites écuries. Ce qui a permis la naissance des petites équipes Toro Rosso et Super Aguri. Sauf que pour être appliqué, ce règlement devait être adopté à l'unanimité Et voilà qu'avant la fin de l'année dernière, Honda a refusé de donner son accord. Fini les châssis à moindres coûts. Les petites écuries doivent maintenant se chercher une usine, embaucher toute une équipe. Bref, construire une voiture en entier.

Résultat: au lieu d'un budget de 40 ou 50 millions par année, les écuries doivent désormais dépenser entre 150 et 200 millions. Autant d'argent, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval.

 

Super Aguri n'a pas pu suivre le rythme. Toro Rosso pourrait connaître le même sort. Gerhard Berger, qui possède 50% de l'écurie, a déjà annoncé que boucler son budget serait très difficile Et rien ne dit que le propriétaire de Force India, Vijay Mallya, ne décidera pas dans un an de se retirer de la F1. Il possède la plus grosse société d'aviation en Inde, mais avec les hausses du prix du carburant, il pourrait bien décider de s'en aller.

 

Ça voudrait dire quoi? Seize monoplaces sur la grille au lieu des 22 qu'on avait en début de saison. Bernie Ecclestone a besoin de 20 bagnoles en piste pour respecter son contrat avec les promoteurs.

 

Il va remplacer les voitures perdues par quoi? Des GP2?

 

Il faut à tout prix sauver les petites écuries. C'est grâce à elles que la F1 est devenue ce qu'elle est aujourd'hui. C'est bien gentil, les grands constructeurs, mais ce ne sont pas eux qui forment les pilotes d'avenir. Il ne faut pas oublier qu'Alonso a commencé chez Minardi, Michael Schumacher chez Jordan, Kimi Raikkonen chez Sauber. Les petites équipes sont la porte d'entrée des bons pilotes en F1. Les constructeurs, eux, choisissent le mec qui va leur permettre de vendre plus de bagnoles dans tel ou tel pays!

 

Et qui peut garantir que Toyota va rester 10 ans en F1 à attendre de remporter le titre? Et Honda? Honnêtement, c'est inquiétant. La Formule 1 est beaucoup plus fragile qu'on l'imagine Depuis quelques années, les écuries naissent et disparaissent à un rythme fou. Comment voulez-vous qu'elles survivent quand la réglementation change sans arrêt? Une année on gèle les moteurs pour 10 ans, une autre on empêche les ventes de châssis...

 

Pour les Japonais, la disparition de Super Aguri est une très mauvaise nouvelle, surtout que la vedette du pays, Takuma Sato, se retrouve au chômage. Et c'est Nick Fry, le patron de Honda, qui est perçu comme le grand fossoyeur de la petite écurie.

C'est lui qui, dit-on, a convaincu Honda de retirer son soutien à Super Aguri. Il a besoin de fonds pour relancer son écurie et il en avait assez de voir Honda dilapider l'argent pour une équipe de fond de grille. Il n'a pas été chercher une grosse pointure comme Ross Brawn, l'ancien directeur technique de Ferrari, pour rien. Il lui faut des moyens pour sortir son écurie de l'ombre.

C'est défendable à court terme. Mais à moyen terme, ça pourrait mettre la F1 dans une bien mauvaise position...

 

Propos recueillis par Stéphanie Morin.