De très confortable, son avance sur Kimi Raikkonen diminue au fil des tours. À l'évidence, les pneus pluie qu'il avait chaussés dès le départ sont usés : la trajectoire idéale est sèche depuis plusieurs tours, et le Britannique va chercher le mouillé dans les lignes droites pour refroidir ses gommes.

De très confortable, son avance sur Kimi Raikkonen diminue au fil des tours. À l'évidence, les pneus pluie qu'il avait chaussés dès le départ sont usés : la trajectoire idéale est sèche depuis plusieurs tours, et le Britannique va chercher le mouillé dans les lignes droites pour refroidir ses gommes.

Les pneus pluie, en effet, sont composés d'un mélange plus résistant que les pneus pour temps sec. Leur sculpture, permettant d'évacuer l'eau, en réduit également la surface de contact avec le sol. Sur le mouillé, tout va bien. Mais dès que la trajectoire commence à s'assécher, leur température grimpe, la gomme de leur surface s'effrite et leur performance tombe brutalement, en quelques kilomètres.

Un phénomène bien connu des chimistes, mais qui semble avoir surpris Hamilton, dimanche. Il n'y a qu'à se pencher sur ses chronos pour s'en convaincre : en trois tours, le rythme du Britannique est passé de 1:43 à 1:55, soit une chute de 12 secondes au tour. Un abysse qui rend incompréhensible la décision de le laisser tourner sans changer de gommes. Et lorsque, enfin, son écurie le rappelle à son stand, Hamilton, pneus usés jusqu'à la toile, manque le virage de la piste de décélération et vient s'embourber piteusement, à 50 km/h, dans le bac à sable qui le borde.

Fin des espoirs de remporter le titre mondial le soir même. «Nous voulions attendre la fin de l'averse pour changer de gommes», justifiait Ron Dennis après la course. «C'était la bonne décision, confirmait Hamilton, qui endossait l'entière responsabilité du désastre. J'ai commis une erreur, je ne me suis pas rendu compte que la piste était aussi glissante et je suis sorti.»

L'écurie McLaren-Mercedes a malheureusement péché par orgueil. Certaine que son jeune poulain allait décrocher le titre mondial ce week-end, l'équipe avait mobilisé les grands moyens à Shanghai.

Dans le prestigieux «Paddock Club», le carré huppé où sont reçus les invités de marque, l'écurie anglo-allemande avait réservé le plus grand emplacement disponible pour recevoir ses clients. De nombreux dirigeants de Mercedes avaient également fait le déplacement, dont Jurgen Hubbert, membre du directoire du groupe DaimlerChrysler.

Pour satisfaire l'ego de son monde, Dennis, patron de McLaren, ne voulait pas se contenter d'un titre mondial à la petite semaine, décroché grâce à quelques points obscurs. Il lui fallait le titre, oui, mais sur une victoire.

Lorsque la trajectoire s'est asséchée, au lieu de rappeler Hamilton par sécurité, et lui faire chausser des pneus neufs, Dennis a pris le risque de laisser son pilote en piste pour éviter un double arrêt au cas où la pluie se renforcerait. Erreur tactique. Au lieu d'assurer quelques points supplémentaires, ce pari orgueilleux se conclut sur un abandon.

Désormais, Hamilton ne compte plus que quatre points d'avance sur Fernando Alonso, et sept sur Raikkonen. Avec un seul Grand Prix à disputer, la position du Britannique reste très confortable par rapport à celles de l'Espagnol et du Finlandais.

Ou tout au moins serait-elle confortable sur n'importe quel autre tracé que celui d'Interlagos. À Sao Paulo, les Grands Prix ont souvent troqué la notion de sport pour celle de hasard, tant les conditions météo peuvent se révéler changeantes et les orages brutaux. Sans compter que le tracé d'Interlagos est le plus bosselé de la saison, et que les voitures y sont à ce point secouées que les ingénieurs ne peuvent qu'y balbutier leur aérodynamique. En réalité, s'il ne se posait pas comme le seul circuit utilisable d'Amérique du Sud, il y a longtemps que le tracé aurait été rayé de la carte de la F 1.

C'est dans ce décor exotique que Hamilton va devoir se battre pour décrocher son premier titre de champion du monde. Les expérimentés Raikkonen et Alonso l'y attendent au virage. «Pour être franc, mes chances de devenir champion sont si faibles que je préfère ne pas y penser», concède Raikkonen. Avant d'ajouter, un brin malicieux : «Sauf qu'à Sao Paulo, il peut arriver n'importe quoi.»

Tout comme Alonso, le Finlandais fera tout son possible pour s'imposer comme il l'a fait dimanche à Shanghai. «Après, tout dépendra de la position de Lewis à l'arrivée, et ça, je n'y peux plus rien.»

Alonso, assis à ses côtés lors de la conférence de presse d'après-course, dimanche, acquiesce. À quatre points de Hamilton, paradoxalement, sa situation semble plus délicate que celle du Finlandais. Car si ce dernier peut compter sur le soutien de toute l'équipe Ferrari, l'Espagnol doit composer avec la haine de sa propre équipe à son égard.

Remporter le championnat avec son écurie constitue déjà un exploit difficile. Le remporter à son insu semble totalement illusoire. Et Alonso le sait bien.