Sa frustration est légitime. Il va roder la voiture lors de la journée d'essais de jeudi et disputer la qualification de samedi matin, mais il va regarder la course des garages. C'est Jeff Burton, fraîchement arrivé de Pocono en jet privé, qui va piloter la voiture numéro 29 pendant l'épreuve. Wimmer devra se contenter de voir Burton récolter les fruits de son travail

Sa frustration est légitime. Il va roder la voiture lors de la journée d'essais de jeudi et disputer la qualification de samedi matin, mais il va regarder la course des garages. C'est Jeff Burton, fraîchement arrivé de Pocono en jet privé, qui va piloter la voiture numéro 29 pendant l'épreuve. Wimmer devra se contenter de voir Burton récolter les fruits de son travail

Pareille situation est chose commune dans l'univers NASCAR. Les pilotes de Nextel Cup passent allègrement en Busch Series, au grand plaisir des promoteurs. Après tout, les stars comme Burton, Kevin Harvick ou Robby Gordon font vendre beaucoup de billets (et de t-shirts, et de casquettes, et de drapeaux)

Reste que cette pratique soulève plusieurs questions sur l'identité propre de la Busch Series. Qu'est-ce que ce championnat qui utilise des voitures similaires et aligne les mêmes pilotes que la série vedette? Imaginez si Saku Koivu ou Mike Komisarek disputaient des matchs avec les Bulldogs d'Hamilton, sous le seul prétexte de parfaire leur lancer frappé. C'est exactement ce qui se passe en NASCAR, où des champions établis de Nextel profitent des courses de Busch pour gagner de précieuses heures de piste...

Cette année, le phénomène a atteint des sommets, au grand dam des petites écuries qui courent uniquement en Busch «À Chicago, mi-juillet, 21 des 43 pilotes provenaient de la Cup», déplore Ed Rensi, propriétaire de Team Rensi Motorsports. Cet ancien président de McDonald's aux États-Unis siège aussi sur le conseil d'International Speedway Corporation, propriétaire de nombreux circuits américains et co-promoteur de la course de Montréal.

«Les pilotes de Nextel apportent une plus-value indéniable aux courses, mais comment voulez-vous qu'une équipe comme la mienne se batte contre les grosses équipes de la Cup? Les commanditaires se font tirer l'oreille pour appuyer une équipe sans star de Nextel Cup. On doit en plus se battre contre des équipes qui disposent de budgets astronomiques de recherche. Prenez Roush Racing, les Ferrari de NASCAR. Ils ramassent dix fois plus d'informations techniques que nous en une semaine, avec un budget de 300 millions, alors qu'il faut environ cinq millions pour faire rouler une écurie de Busch. Nous, on ne dispose de quatre millions à peine»

Pour les pilotes, le portrait n'est pas plus rose. «C'est difficile pour les recrues de percer, explique Stephen Leicht, pilote chez Yates Racing. Les gars de Nextel sont toujours en avant, surtout lorsque les deux courses se tiennent au même circuit. Comme ils disputent les deux épreuves, ils peuvent passer trois heures de plus en piste avant notre qualification. C'est un avantage énorme.»

David Ragan, pilote chez Roush Racing, avoue avec candeur que s'il court en Busch, c'est d'abord et avant tout pour améliorer ses chances en Nextel: «J'ai plus de temps pour faire des essais. Je peux pratiquer mes arrêts aux puits, mais aussi tester la pression des pneus. C'est crucial en NASCAR et la pression reste la même pour les deux courses»

Le hic, c'est que pendant que les pilotes de Nextel jouent de la jauge à air, les jeunes loups peinent à se sortir des bas-fonds du classement. «La Busch est considéré comme une championnat d'apprentissage pour toutes les équipes qui rêvent d'accéder en Nextel. Maintenant, d'où viendront les nouveaux talents s'ils ne peuvent pas éclore en Busch, faute de place», s'interroge Ed Rensi.

Joe Balash, directeur de la Busch Series, admet que la situation est ardue pour les recrues, mais selon lui, «c'est aussi une excellente façon pour eux de se mesurer aux meilleurs.»

Une identité malmenée des deux côtés

Selon Ed Rensi, la perméabilité entre Busch Series et Nextel Cup nuit au deux championnats. «Si les gens paient 45$ pour une course de Busch avec 20 pilotes de Nextel, pourquoi payeraient-ils le double pour l'épreuve de Nextel? Si on vendait le Big Mac moins cher chez Burger King, je ne pense pas que les gens continueraient d'aller chez McDonald's! On se retrouve avec un sérieux problème d'image de commerce. Et ça ne s'arrangera pas l'an prochain, avec l'arrivée de deux nouveaux commanditaires majeurs. La Nextel Cup deviendra la Sprint Cup et la Busch Series va aussi changer de commanditaire, donc de nom. Comment voulez-vous que les gens se retrouvent là-dedans?»