Il est arrivé hier matin sur le site d'Albert Park à la fois en toute décontraction et avec cette pointe de tension visible sur le visage. Quelques têtes se sont retournées sur son passage, des appareils photo ont crépité et il s'est engouffré dans le pavillon de l'écurie Williams. Du haut de ses 1,82 m, Lance Stroll a tout d'un éternel habitué des paddocks parmi les pilotes. Déjà. Pourtant, Melbourne, son circuit et ce fameux cirque de la F1 représentent une découverte pour lui.

Excité quand même un peu, Lance ? « Oui, je suis très excité. C'est bien d'être ici dans le paddock. » 

Le paddock à Melbourne a tout d'un oasis de tranquillité, avec ses vertes pelouses qui font office de terrasses devant les garages et les petits pavillons des écuries et avec cet immense parc qu'on doit traverser pour y parvenir. Le cadre est tellement champêtre à Albert Park que l'on se demande si c'est bien à un Grand Prix de Formule 1 qu'on va assister.

« Il y a un peu plus de monde qu'en Formule 3 où j'étais l'an dernier, remarque Lance Stroll. Qu'il y ait plus de monde et de médias, ça fait partie du jeu. Maintenant, à ce niveau, c'est comme ça que ça marche. »

Hier, le jeune Montréalais d'origine a enchaîné les entrevues comme on enfile des perles. Aisément. Mais mécaniquement aussi. Alors, on parle d'un maximum de choses en un minimum de temps.

Et ces nouvelles F1 que l'on dit terriblement exigeantes physiquement ?

« Les forces G sont plus élevées maintenant et tout arrive beaucoup plus vite, analyse notre interlocuteur. Les freinages sont plus courts et plus tardifs. Tout est beaucoup plus rapide. Mentalement, c'est aussi un défi. C'est une grosse marche par rapport à la F3, mais c'est une bonne marche. Lors de la deuxième semaine d'essais à Barcelone [début mars], j'ai fait beaucoup de tours et de bons tours, ce qui est positif.»

Photo Jason Reed, Reuters

Début de saison oblige, Lance Stroll doit se prêter à une séance de photos officielles.

« BARCELONE, C'ÉTAIT UN PEU LA MERDE »

La première semaine d'essais d'avant-saison à Barcelone n'a pas été une sinécure pour le pilote de 18 ans. Trois séances, trois sorties de piste. Un cauchemar quasiment lorsqu'on fait ses premiers tours de piste officiels en F1 avec l'écurie qui vous fait confiance pour la saison. « Écoute, c'était un peu la merde, en rigole après coup Lance Stroll. Ça arrive, c'est comme ça. Je me suis concentré après sur la deuxième semaine et on a fait alors une super semaine », ajoute-t-il, assurant ne pas avoir douté de lui-même un seul instant.

Et il vaut mieux balayer rapidement du revers de la main ce genre d'épisode. Car en F1, tout va plus vite alors que les séances d'essais sur une saison se font de plus en plus rares. « Il y a encore beaucoup de choses à comprendre durant les prochaines courses », dit d'ailleurs Lance Stroll.

À Barcelone, la Williams FW40 a donné de bonnes indications à ses pilotes. Fiabilité et rapidité l'ont caractérisée. Mais, comme Lance Stroll, elle doit s'améliorer. « Il faut améliorer les freinages, les virages rapides, les virages lents », énumère entre autres le pilote à son propre sujet.

Le fils du milliardaire Lawrence Stroll n'a pas seulement eu le privilège, gamin, d'arpenter quelques circuits de F1, il a aussi fait la connaissance de Felipe Massa dans les paddocks de Ferrari dans les années 2000. Une anecdote glissée ici qui est d'autant moins banale que c'est aux côtés de ce même pilote que Lance va faire ses débuts en F1 dimanche.

« C'est particulier d'arriver ici, à Melbourne, et d'être avec Felipe. En même temps, il y a un travail à faire, il faut que je me concentre sur moi-même et sur mes affaires. Que ce soit Felipe ou Valtteri Bottas mon coéquipier [le Finlandais est parti en janvier de Williams, remplacé par Massa], ça ne change pas mon boulot. C'est ma première année et j'ai bien d'autres choses à penser que de battre mon coéquipier. »

Lance Stroll, au volant de sa Williams, attend son tour avant la seconde séance d'essais du GP d'Australie. Photo: AP

PEU IMPORTE LES AUTRES

Lance Stroll est le plus jeune pilote du championnat du monde de F1 cette année. Au départ dimanche, il aura 18 ans, 4 mois et 28 jours. Forcément, cela interpelle. Les médias, le public, voire le paddock au complet. Et les regards se posent sur lui. Mais lui ne les voit pas. Ou ne veut pas les voir. Et de toute façon, cela lui importe vraiment peu. Pour ne pas dire pas du tout. « Il y a peut-être des gens qui disent plus de choses sur moi, mais ça fait partie du jeu. »

La pression des autres finalement, il ne connaît pas. La seule qu'il connaisse, c'est celle que lui-même se met sur les épaules.

Aujourd'hui, c'est le baptême du feu : les séances d'essais libres d'un Grand Prix, les premiers tours de roue sur le circuit d'Albert Park, peu commode à apprivoiser.

L'objectif ? « Je ne vais pas arriver à la première séance et connaître la piste et pousser tout de suite. Je vais vraiment juste apprendre et comprendre comment ça marche ici, à Melbourne. »

Il a 18 ans et la maturité d'un grand.