Frédéric Daigle, journaliste à La Presse Canadienne, est un passionné de baseball. Son troisième livre, Chips ! Peanuts ! Cracker Jack ! 24 histoires savoureuses des Expos, paraît ce mercredi. Il y travaillait concrètement depuis la fin de 2018, mais l’avait en tête depuis bien plus longtemps.

Qu’est-ce qui t’a donné l’idée de faire ce livre ? Quel a été l’élément déclencheur ?

J’ai toujours aimé lire ou regarder des documentaires sur les coulisses de n’importe quoi. Je suis un grand fan de Star Wars et, à un moment donné, George Lucas a rendu disponible un documentaire interminable — je me rappelle que c’était deux cassettes VHS, dans ce temps-là, tu sais que c’est long ! — sur les coulisses d’A New Hope et The Empire Strikes Back et je pense que j’avais aimé ça autant que les films eux-mêmes.

Je me disais que j’aimerais raconter l’histoire des Expos par en dedans, par des gens qui l’ont vécue de près. Donc, je demandais aux gens que j’ai contactés : « Donnez-moi une histoire qu’on n’a pas entendue ou que vous n’avez pas racontée souvent. » Et ça a marché. En tout cas, j’en ai appris beaucoup sur les Expos et je me considère comme un connaisseur de l’équipe. Il n’y a pas grand-chose dont on m’a parlé dans ces entrevues à propos desquelles je me disais : « Ah oui, j’ai déjà lu ça ou je la connais, cette histoire-là. » Ce n’est pas arrivé souvent.

Le livre contient 24 histoires. Quelle est ta favorite et pourquoi ?

C’est comme demander à un parent lequel est son enfant préféré !

J’ai vraiment senti que les gens n’avaient pas de retenue. Christian Tétreault, qui est un fan de balle invétéré, me raconte de belles histoires personnelles sur ce que le baseball et les Expos lui ont permis de vivre avec ses fils.

J’en parle souvent, de cette histoire-là, mais ça m’a vraiment touché que Marc Griffin partage ça avec moi. Il a quitté le baseball parce qu’il était dans un cul-de-sac. Les Expos le rétrogradaient du niveau AA au niveau A à 25 ans, alors qu’il n’avait plus rien à faire là. Au départ, il hésitait à me parler de cette histoire parce que ça ne s’est pas bien fini avec les Expos. Je n’ai pas essayé de le convaincre, mais je disais : « Ça mérite d’être raconté, et 27 ans plus tard, si des gens t’en tiennent rigueur d’en reparler, tant pis pour eux. »

PHOTO FRANÇOIS COUTURE, ÉDITIONS DE L’HOMME

Frédéric Daigle

Quand j’ai joint Steve Rogers, il était très hésitant. Jusqu’à ce que je lui dise : « Steve, c’est clair, je ne veux surtout pas qu’on parle de Blue Monday. On l’a lue et entendue 10 000 fois, cette histoire-là, je suis certain que tu en as d’autres de ton association avec les Expos. » Et là, j’ai senti Steve Rogers se réchauffer au bout du fil. J’ai pu aller passer deux heures avec lui en prenant une bière. Je me trouvais assez privilégié. J’aurais pu écrire trois autres histoires juste avec lui.

Aller s’asseoir avec Jacques Doucet dans son bureau, chez lui, entouré de tous ses souvenirs de baseball, et littéralement te laisser bercer par sa voix pendant qu’il te raconte ses amitiés et ses accrochages avec tous les gérants des Expos qu’il a côtoyés.

Je me suis gâté. C’est un cadeau que je me suis fait d’abord et avant tout. Sauf que je pense que ça va en devenir un pour les amateurs des Expos, de baseball, mais aussi juste de bonnes histoires de sport.

J’ai vu ton tweet il y a quelques jours où tu suggérais que nous intégrions des invités dans le cadre de notre rubrique du dimanche « Mauvaise conduite ». Considère-toi comme exaucé en répondant à notre question d’il y a deux semaines ! Quel est ton plus beau souvenir des Expos ?

Le dernier coup sûr de Gary Carter. Ç’a été ma première idole sportive. Pour moi, Carter, c’était gros. Il n’y avait aucune chance que je rate son dernier match et j’étais allé avec des amis, je pense. Ce n’était pas une partie super excitante jusqu’à ce moment-là, c’était 0-0 [en septième manche]. Carter arrive et, je me souviens, c’est comme si on sentait que c’était sa dernière présence [à Montréal] parce qu’on se doutait que ça achevait. Je ne suis pas sûr que les Expos ont eu un joueur plus clutch que Gary Carter dans leur histoire. Et là, de le voir procurer une victoire avec ce double magique qui passe par-dessus la tête de son ex-coéquipier Dawson, fait rentrer Walker. C’était tout l’establishment des Expos sur le même jeu, presque. Dans le fond, il manquait juste Vladimir Guerrero et Tim Raines. Ça reste à ce jour mon plus beau souvenir associé aux Expos.

Parmi les intervenants qui m’ont accroché, raconte-moi le chapitre avec Claude Lavoie. Parce que ça doit être spécial d’être responsable du vestiaire des équipes visiteuses.

En tant que préposé au vestiaire des visiteurs, il devenait le meilleur ami des méchants, si on peut dire. Au baseball, les équipes s’installent dans une ville pour plusieurs jours, donc tu finis par connaître les habitudes et les petits caprices de tout le monde.

Il avait une affinité avec les Dodgers parce qu’il avait été préposé au vestiaire pour les Royaux de Montréal. C’est à peu près le seul qui peut faire le lien entre la Ligue internationale, les Royaux et l’histoire des Expos actuellement au Québec. Alors, il connaissait des gens de l’organisation, entre autres Tommy Lasorda et Don Drysdale. Drysdale était rendu, après une brillante carrière au monticule, sur le broadcast des Dodgers. C’était le compagnon de voyage de Vin Scully [commentateur sportif américain]. Ils mangeaient ensemble, se rendaient au stade ensemble, ils étaient inséparables.

PHOTO MARK J. TERRILL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Vin Scully en 2017

Un matin, Scully arrive avec le directeur des relations médias des Dodgers au Stade. Claude Lavoie les voit entrer dans le vestiaire, il remarque qu’ils cherchent quelqu’un et il va à leur rencontre. Ils lui demandent s’il a vu Don Drysdale. Claude répond : « Non, je ne l’ai pas vu et ça me surprend, d’habitude, soit il arrive avec vous, soit il est au Stade assez tôt. » Le temps passe, le match approche et toujours pas de nouvelles de Don Drysdale, donc les gens des Dodgers demandent à Claude Lavoie de vérifier auprès de l’hôtel s’il est encore là. Les gens de l’hôtel disent que non et qu’il ne semble y avoir personne dans la chambre. Claude Lavoie est un ancien de la Sûreté du Québec, donc là, les réflexes de policier ont embarqué. Il a demandé à l’hôtel : « Si je venais avec un dirigeant des Dodgers, est-ce que je pourrais aller dans la chambre de Don Drysdale ? » Il avait un mauvais feeling. C’est lui qui a découvert le corps de Drysdale, qui était mort d’un infarctus dans la nuit précédente, de toute évidence.

Ce n’est pas juste ça, l’histoire de Claude dans le livre, et ce n’est pas un beau souvenir. Mais ça montre à quel point les Expos sont attachés à l’histoire de toutes les autres équipes du baseball majeur, d’une façon ou d’une autre.

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE L’HOMME

Chips ! Peanuts ! Cracker Jack ! 24 histoires savoureuses des Expos

Chips ! Peanuts ! Cracker Jack ! 24 histoires savoureuses des Expos
Frédéric Daigle
Les Éditions de l’Homme
272 pages