À la surprise générale, la FINA a avalisé hier les combinaisons tout polyuréthane qui avaient été précédemment recalées, soulevant l'ire de nageurs et entraîneurs et plongeant le petit monde de la natation dans un autre imbroglio à un plus d'un mois des Mondiaux de Rome. À 15 jours de ses sélections, Natation Canada doit composer avec cette nouvelle réalité.

«J'en ai assez. C'est aberrant. Ça nuit à mon travail. Tu coaches des athlètes et quand tu arrives au bout, il y a toujours un maillot surprise, toujours quelque chose qui te tombe dans la face à la dernière minute.» Au bout du fil, le ton est posé, mais le propos est sans équivoque. Claude St-Jean, entraîneur-chef du club CAMO, en a marre des tergiversations autour des maillots de bain.

L'entraîneur d'Audrey Lacroix réagissait à la décision de la Fédération internationale de natation (FINA) d'autoriser plus d'une centaine de modèles des controversées combinaisons en polyuréthane, dont certaines ont mené à des records mondiaux étonnants.

À la publication d'une première liste de maillots autorisés, le 19 mai, la FINA avait accordé un mois aux fabricants pour modifier 136 modèles recalés. La FINA prétendait que ces maillots imperméables permettaient d'emprisonner de l'air lorsqu'un nageur les enfilait, favorisant ainsi la flottabilité. Or la FINA pouvait difficilement prouver scientifiquement l'existence de ce phénomène d' «air trapping».

Ainsi, la combinaison Jaked 01, portée par le Français Frédérick Bousquet lorsqu'il a établi le record mondial du 50 mètres libre, a été autorisée sans modification. Son record devrait être homologué quand le résultat de son contrôle antidopage sera connu.

En revanche, la X-Glide d'Arena, dans laquelle le Français Alain Bernard est devenu le premier nageur sous les 47 secondes au 100 m, a été accepté après modifications, soit l'ajout de bandes de tissu. Comme le modèle de Bernard n'était pas approuvé au moment où il a réalisé son chrono de 46.94, le record ne sera pas homologué, au même titre que cinq autres performances qui étaient en attente.

Bernard s'explique mal que les combinaisons entièrement en polyuréthane soient autorisées, parlant d'une «décision grave de conséquences». La crédibilité des Mondiaux de Rome risque d'en pâtir, croit le nageur français, à l'instar de plusieurs observateurs. «La position de la FINA reste contradictoire et incompréhensible», a réagi le champion olympique dans un communiqué transmis à l'AFP. «J'aurais aimé pouvoir disputer la finale des Championnats du monde dans les mêmes conditions que la finale de Pékin où tous les nageurs avaient une combinaison équivalente.»

Pour Natation Canada, qui n'a pas encore tenu ses sélections pour Rome, la situation est encore plus complexe. En effet, la fédération devra rapidement établir une liste de maillots autorisés en vue de la compétition qui se tiendra dans l'île Sainte-Hélène du 8 au 11 juillet.

«Si on veut se servir d'un costume de bain aux sélections, il devra être accessible à tous», a expliqué Pierre Lafontaine, PDG de Natation Canada, «surpris» et «déçu» de ce qu'il considère comme une volte-face de la part de la FINA. Un représentant de Natation Canada doit contacter tous les fabricants pour connaître la disponibilité des produits au Canada. Une liste sera établie à partir de leur réponse.

«Tout est disponible, ça dépend à quel point tu le veux», prétend le nageur Thomas Kindler, qui possède une combinaison Jaked commandée sur le site Internet de la compagnie. Le Montréalais attend également la livraison de deux maillots Arena. Il prétend qu'il est plus facile d'obtenir un maillot Jaked ou Arena qu'un LZR Racer de Speedo à sa taille.

Au surplus, Kindler s'interroge sur la mise en application d'une liste de maillots autorisés pour les sélections. «Personne ne connaît les différences (entre les modèles), soulève-t-il. C'est une honte. Quelle sera la norme?»

L'actuelle liste de la FINA n'est valide que pour l'année en cours. Au congrès du 24 juillet, à Rome, un nouveau processus d'homologation sera élaboré. Il sera mis en application le 1er janvier 2010.

Le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas proposeront l'interdiction de la fermeture éclair et de matériaux imperméables comme le polyuréthane ainsi que la limitation de la longueur des maillots.

«Il faut arrêter de discuter continuellement des maillots et recommencer à parler des performances des athlètes», a conclu Lafontaine, un peu excédé.