De son propre aveu, Benoît Huot avait « peut-être un peu perdu espoir ». Sa dernière course à vie aux Jeux paralympiques ne se terminerait probablement pas comme il l'avait souhaité.

L'émergence de trois nageurs ukrainiens, inconnus au bataillon jusqu'à tout récemment, avait considérablement modifié le portrait dans sa catégorie. Ceux-ci l'avaient nettement devancé dans deux de ses meilleures épreuves, le 100 m dos et le 200 m quatre nages individuel, où il avait fini respectivement cinquième et quatrième.

Il lui restait le 400 m libre, sa dernière course aux Jeux paralympiques de Rio et la chance ultime de monter sur le podium pour la 20e fois. Maksym Krypak, Denys Dubrov et Dmytro Vanzenko, dont la nature et l'ampleur des handicaps font l'objet de spéculations et d'interrogations sur le bord des bassins, se retrouveraient encore sur son chemin.

« Un, ça peut arriver, peut-être deux, mais comment ça, il y en a trois en si peu de temps ? Drôle de coïncidence », a dit Benoît Huot au sujet des nageurs ukrainiens.

Malgré ses doutes, le paranageur de 32 ans s'est réveillé l'âme en paix jeudi à Rio. « J'avais l'impression d'avoir 25 ans. Je n'avais pas ressenti une telle énergie depuis longtemps. J'étais tellement dans un bon état d'esprit. J'étais dans ma zone. »

Huot a savouré chaque moment de ce qui s'annonçait comme la dernière grande journée de compétition de sa carrière. Qualifié quatrième, il n'a pas pensé à ses adversaires pour la finale, se concentrant plutôt sur son plan de course.

En soirée, il est monté sur le plot numéro 6, a pris une grande inspiration et s'est dit : « Ben, c'est certainement la dernière fois que tu fais ça, savoure chaque seconde. »

Un déclic s'est produit. Il a franchi les huit longueurs en 4:04,63, un record personnel par deux secondes et demie, ce qu'il ne croyait plus possible. Il a fini troisième, remportant une médaille de bronze presque inespérée.

Euphorique, il a célébré comme s'il venait de gagner l'or. « Tous les éléments étaient là pour faire en sorte que ce fut encore plus magique », a raconté Huot, joint hier avant son retour au Canada.

Pressenti pour trois podiums à ses cinquièmes Jeux paralympiques, le Montréalais rentre avec une médaille de bronze dans ses valises. Les Ukrainiens ont changé toutes les perspectives, remportant 13 médailles sur 21 dans la catégorie S10, où les athlètes présentent le handicap le moins grave.

Classification

Huot, qui a un pied bot depuis la naissance, s'interroge sur la façon dont ces nageurs ukrainiens ont obtenu leur classification.

« Sans connaître exactement leur handicap, je pense que les gars ont une condition physique anormale, a-t-il précisé. Maintenant, voilà la question : est-ce que cette condition anormale est suffisante pour [participer au] sport paralympique dans ma catégorie ? Je ne le sais pas. Mais là où j'ai un problème, c'est lorsqu'ils se présentent à une compétition pour leur classification et qu'ils se pognent le beigne. »

Le quintuple paralympien cite l'exemple de Krypak, apparu sur les radars de la paranatation en juin lors d'une compétition en Allemagne. Au 100 m dos, il aurait inscrit un temps de 1:07, marque qu'il a améliorée de près de 10 secondes pour établir un record mondial au Brésil.

Huot laisse entendre que les bourses aux médailles que recevraient les Ukrainiens pourraient expliquer le phénomène. « Tout le monde en parlait sur le bord de la piscine. Krypak aurait fait 250 000 euros avec ses médailles. L'Ukraine n'est pas un pays très riche. »

Au crépuscule de sa carrière, Huot refuse de condamner le Mouvement paralympique, qu'il essaie « de faire grandir depuis 20 ans ».

« Mais le vrai défi du sport paralympique, c'est la classification des catégories de handicap. Tant et aussi longtemps que le processus ne sera pas plus transparent, on aura des interrogations. On se demande plus d'une fois par jour pourquoi tel athlète est dans telle catégorie. Ç'a adonné que cette fois-ci, c'est moi qui ai été affecté. Mais toutes les catégories ont des problèmes. »

Voilà un vaste chantier que Benoît Huot, qui continuera son implication dans le sport, aura peut-être l'occasion d'entreprendre un jour.

Classification 101

Les nageurs aux Jeux paralympiques sont regroupés selon la gravité de leur handicap, visuel ou moteur. Pour les handicapés moteurs, il existe 10 catégories pour le style libre, le papillon et le dos (de S1 à S10), selon la capacité fonctionnelle de chacun. Les athlètes ayant les limitations les plus importantes se retrouvent dans la catégorie 1. Ceux dont le handicap est le moins grave sont classés dans la catégorie 10. Dans la même catégorie, il est possible de retrouver à la fois des nageurs amputés, paralytiques cérébraux, ayant subi un trauma à la moelle épinière, atteints de nanisme ou ayant d'autres conditions médicales limitant l'amplitude articulaire ou la force musculaire. La brasse (SB2 à SB9) et le quatre nages individuel (SM3 à SM10) ont leur propre classification. Par ailleurs, il existe trois catégories de nageurs handicapés visuels, 11 (aveugles), 12 et 13 (malvoyants).

Source: Fédération de natation du Québec

Mission accomplie

« On a commencé les Jeux paralympiques avec l'objectif de finir parmi les 16 premiers au classement total des médailles et on termine 14e. Tout le monde est satisfait de ça. » Chantal Petitclerc avait le sentiment du devoir accompli au moment où elle participait au démontage des quartiers canadiens au Village des athlètes, hier. Parmi les 29 médailles canadiennes, dont 8 en or, la chef de mission a souligné la prestation exceptionnelle du programme de paracyclisme (8 podiums). Seule déception « pour les athlètes » : l'absence de podium en sport collectif. L'équipe de rugby en fauteuil roulant a échappé le bronze dimanche contre le Japon. « C'est plate, on aurait aimé avoir la médaille, mais le côté positif, c'est que ça démontre que le sport paralympique a plus de profondeur que jamais », a conclu Petitclerc, qui reprendra ses fonctions de sénatrice à partir du 27 septembre.

Photo Adrian Wyld, archives La Presse canadienne

Chantal Petitclerc, chef de mission de la délégation canadienne aux Jeux paralympiques de Rio