Le Tour des Flandres, qui fête demain ses 100 ans, suscite l'engouement de tout un peuple qui se reconnaît dans cette course dure et impitoyable, devenue l'un des monuments du sport cycliste.

L'ORIGINE

Quand il crée le «Ronde van Vlaanderen», un an avant la Grande Guerre, le jeune journaliste Karel Steyaert cherche surtout à ouvrir la voie à ses compatriotes. Il en a assez de voir les coureurs flamands régulièrement battus dans Paris-Roubaix, sur un parcours comparable à l'époque aux routes pavées belges.

Un siècle plus tard, le peuple flamand communie dans une immense ferveur le jour du «Ronde» (Tour en néerlandais). Avant ou après le déjeuner familial, il se retrouve au bord des routes pour voir passer la course dans une odeur festive de harengs, de frites et de saucisses. Le «Ronde», élément identitaire fort que les nationalistes cherchent à s'approprier, est unique. Même la Seconde Guerre mondiale ne l'a pas arrêté.

LE DÉCOR

Le vent de la mer du Nord charrie la pluie, les bourrasques freinent les coureurs et les innombrables changements de cap achèvent de désorienter les néophytes. Dans ce coin d'Europe, parmi les plus peuplés du continent, la connaissance du terrain, des routes cimentées et des quelques séquences pavées compte bien plus qu'ailleurs.

Qu'on le sache, le «plat pays» n'existe pas vraiment. Pas plus que les «monts» flandriens ne sont de vraies montagnes. La zone des «monts» où se joue la course n'est qu'une succession de montées abruptes et courtes que les coureurs escaladent au sprint, le plus souvent en puissance. Il est toujours temps ensuite de tenter de récupérer, pour mieux recommencer quelques kilomètres plus loin.

L'AVANTAGE DU TERRAIN

Sous ce ciel parfois «si bas qu'un canal s'est perdu», comme le chante Jacques Brel, les étrangers peinent à rivaliser (28 succès en 96 éditions). Le peloton est devenu mondial mais les Belges, les Flamands plus précisément, continuent à imposer leur loi. Ces huit dernières années, ils n'ont laissé échapper la victoire qu'à deux reprises (Ballan en 2007, Cancellara en 2010).

Dans l'histoire du «Ronde van Vlaanderen», après le succès du Suisse Henry Suter en 1923, il a fallu attendre 1949 pour qu'un non-Belge, Fiorenzo Magni («le Lion des Flandres»), parvienne à gagner. L'Italien, décédé l'an dernier à l'âge de 91 ans, a réussi l'exploit trois fois de suite. Nul ne l'a surpassé depuis, bien que quatre autres coureurs (Buysse, Leman, Museeuw, Boonen) partagent avec lui le record des trois victoires.

LA RUDESSE DE LA COURSE

En son temps, Bernard Hinault, combattant exemplaire en d'autres lieux, ne chercha jamais à apprivoiser cette course de rudesse et de vent. Le Français clama haut et fort son dégoût et, quand il fut contraint de figurer au départ, il limita son parcours au tour de la grand-place de Sint-Niklaas.

Depuis 1998, le coup d'envoi est donné à Bruges, au pied du monumental beffroi. Commence alors une épreuve de fond de nature à effrayer ceux qui n'ont pas fait l'apprentissage des kermesses, ces courses autour du clocher où l'on apprend à virer, à frotter, à se remettre aux avant-postes en fonction du vent. Jusqu'à Audenarde, au coeur de la zone des monts où les organisateurs ont installé depuis l'an dernier la ligne d'arrivée.