Martin Goulet nourrissait de grandes ambitions en vue des Jeux olympiques de Rio de Janeiro. Il gardait même dans sa manche un «coup d'éclat» qui, espérait-il, permettrait à l'équipe canadienne d'athlétisme de poursuivre la relance entreprise au milieu des années 2000. Il ne pourra le mettre en application.

Mardi, Goulet a été relevé de ses fonctions de directeur de la haute performance d'Athlétisme Canada, poste qu'il occupait depuis 2006. L'entraîneur-chef Alex Gardiner, son plus proche collaborateur, a subi le même sort.

Ce grand ménage fait suite à une performance jugée insatisfaisante aux JO de Londres, l'été dernier. Le Canada a été limité à une seule médaille, le bronze de Derek Drouin au saut en hauteur, alors que la cible était trois. Le relais masculin 4 X 100 mètres est venu bien près d'ajouter un deuxième podium au dernier soir de compétition, mais il a été disqualifié pour une question d'un ou deux centimètres.

«On n'a pas gagné trois médailles, c'est le facteur principal [qui a motivé notre décision], a expliqué Rob Guy, chef de la direction d'Athlétisme Canada, en entrevue téléphonique hier. La frontière est mince entre le succès ou non. La chose la plus importante en vue des Jeux de Rio était de s'assurer que nos meilleurs athlètes reçoivent tout le soutien dont ils ont besoin. Pour les garder motivés, il faut leur offrir le meilleur environnement d'entraînement. On a simplement senti qu'une personne au style différent nous aiderait à atteindre nos objectifs.»

Aux Jeux paralympiques, le Canada a décroché neuf médailles, soit cinq de moins que l'objectif, ce qui a aussi plombé le bilan de Goulet.

Surpris de son congédiement, Goulet refuse de s'apitoyer sur son sort. «Je suis assez serein», a confié l'ex-directeur, joint à sa résidence sur la Rive-Sud de Montréal.

Goulet a jugé «honnête» la prestation de son groupe à Londres. «Il y a eu une progression constante lors des deux Jeux olympiques où j'ai été à la tête de l'organisation, mais il est évident que les objectifs en matière de médailles n'ont pas été atteints. C'est ça, le monde du sport et j'en accepte les règles du jeu. Personne n'est irremplaçable, y compris moi.»

Rob Guy, qui semble vouloir donner plus de pouvoirs au futur entraîneur-chef, croit que son organisation peut en faire davantage en ce qui concerne l'encadrement des meilleurs athlètes. «Oui, il y a eu de bonnes performances à Londres, mais certaines personnes l'ont fait par leurs propres moyens», a-t-il indiqué. Le chef de la direction de la fédération faisait probablement référence à Drouin et à Damian Warner, révélation canadienne à Londres avec sa cinquième place au décathlon.

Refusant d'entrer dans une guerre de mots, Goulet souligne néanmoins qu'il a lui-même rétabli les stages de l'équipe nationale avant les grands championnats. À ses yeux, l'avenir est prometteur pour l'équipe canadienne, qui est passée du

36e au 15e rang depuis 2000, selon une charte de calcul de points de la fédération internationale qui tient compte des médailles et des top 8.

«J'ai laissé mes dossiers pas mal en ordre», a soutenu Goulet, qui se réjouit de pouvoir envisager de «vraies» vacances familiales estivales pour la première fois en plus de 15 ans. «Je suis convaincu que les gens qui me remplaceront vont faire le boulot.»

Le départ de Goulet ne fera qu'accentuer la très faible représentation québécoise au sein d'Athlétisme Canada, a déploré Laurent Godbout, directeur général de la Fédération québécoise d'athlétisme. «Je respecte l'opinion et l'analyse d'Athlétisme Canada, et je comprends la volonté du «sport amateur» de professionnaliser ses actions, mais je ne ferais pas porter le fardeau d'une performance olympique à seulement deux personnes», a signalé Godbout.

Ce dernier espère que la communauté sportive québécoise, et l'athlétisme en particulier, auront les moyens de retenir les services d'un technicien expérimenté comme Goulet, une «personne intelligente, organisée, travaillante et surtout intègre». Le principal intéressé, un passionné qui a passé les 40 dernières années de sa vie dans l'athlétisme, veut se donner le temps de réfléchir à son avenir et garde toutes les portes ouvertes.