Le coureur Alex Genest a frôlé l'écoeurement après sa qualification ratée pour les Jeux olympiques de Pékin. Quatre ans plus tard, le spécialiste du 3000 mètres steeple a retrouvé le bonheur de courir à Guelph, en Ontario.

Guelph, Ontario En sortant de la 401, la brasserie Sleeman est la première chose qu'on remarque en entrant à Guelph. Puis il y a les deux rivières, les arbres, les sentiers qui quadrillent la ville. C'est en partie ce qui a convaincu Alex Genest d'y déposer valises et souliers de course au printemps 2009. Pas la brasserie, les sentiers.

«Pas que j'aie quelque chose contre l'Ontario, mais ça n'avait pas l'air de l'Ontario», lance le natif de Lac-aux-Sables, petit village aux confins de la Mauricie.

En sortant de chez lui, Genest n'a qu'à traverser la rue pour fouler le chemin en terre battue qui longe la rivière Eramosa, où affluent les outardes. De là, il peut courir deux heures sans repasser au même endroit.

En cette matinée (enfin) ensoleillée de la fin avril, son fils Arno, 10 mois, l'accompagne dans le chariot pour cette courte sortie d'échauffement. La maman, Marie-Christine Côté, ancienne coureuse et entraîneuse-chef à l'Université Laval, est à l'une des deux écoles francophones de Guelph pour une suppléance.

Manifestement, Alex Genest, 25 ans, est heureux. Tout un contraste avec le coureur qui avait fini lointain deuxième aux sélections olympiques de 2008.

Haut-le-coeur

Pourtant, il voulait. Il avait même passé l'hiver en Floride pour s'entraîner. Mais il voulait un peu trop. Une série de plus, un peu plus vite, un peu plus longtemps. En revenant au Québec au printemps, il se souvient avoir ressenti un véritable mal de coeur à la simple vue de ses souliers. Lui, l'amoureux de la course à pied. Il a disputé la saison sans trop y croire, ne parvenant pas à s'approcher du standard de qualification pour les Jeux de Pékin.

L'automne, une fatigue extrême l'a envahi. L'ex-étudiant en kinésiologie à l'Université de Sherbrooke a manqué presque un mois de cours. «J'avais comme une mononucléose, raconte-t-il. Je passais à peu près 20 heures par jour dans mon lit. Je n'étais pas capable de m'ouvrir les yeux. Tu sais, quand tu te dis que tu as trop poussé la machine? J'avais vraiment poussé la machine!»

Genest avait besoin d'un changement. Rob Watson, qui l'avait battu aux championnats canadiens, lui avait parlé de Guelph, du Speed River Track Club et de l'entraîneur Dave Scott-Thomas. Le Québécois a été séduit par son approche, axée sur le volume plutôt que le spécifique sur la piste, et l'équilibre dans le mode de vie.

Squatter pour s'entraîner

Avec sa casquette des Red Sox et ses lunettes fumées, Scott-Thomas pourrait facilement passer pour un entraîneur de baseball. Mais ce qu'il transporte dans le coffre de sa camionnette, ce ne sont pas des balles et des bâtons, mais des haies. Parti de rien en 1997, Scott-Thomas a réussi à développer le meilleur groupe de fond et de demi-fond au Canada.

Si le Speed River se démarque, ce n'est certainement pas pour la qualité de ses installations, qualifiées de «poubelles» par l'entraîneur. La piste de l'université est si mauvaise que le club est forcé de squatter celle d'une école secondaire, limitée à six couloirs et équipée d'un revêtement de piètre qualité. N'empêche, en cette fin d'après-midi, il y a une cinquantaine de coureurs juniors qui s'entraînent avant le groupe d'élite, qui compte une trentaine de représentants.

Les choses vont changer l'automne prochain alors qu'une piste flambant neuve sera inaugurée sur les terrains de l'université. Le projet étant axé autour d'un nouveau terrain de football, la nouvelle piste n'aurait pas vu le jour sans une campagne de financement de dernière minute orchestrée par le club. En deux semaines, 1 million de dollars ont été amassés, en majorité des petits dons provenant de la communauté. Les derniers 320$ ont été versés par nul autre qu'Arno Genest.

Parmi les coureurs recrutés par Scott-Thomas, Reid Coolsaet est celui qui symbolise le mieux le renouveau de la course à pied à Guelph, l'autoproclamée «capitale canadienne de la course à pied».

Ancien spécialiste du 5000 et du 10 000 m, Coolsaet est devenu, l'automne dernier à Toronto, le premier Canadien en plus de 10 ans à se qualifier pour le marathon olympique. Eric Gillis, un autre représentant du Speed River, a lui aussi réussi le coup le même jour.

Meilleur chrono à vie

En tout, une demi-douzaine de membres du club pourrait se qualifier pour les JO. Alex Genest est sur la bonne voie. Il a réussi le plus difficile, le standard A, grâce à un meilleur chrono à vie de 8:19.33 en juillet dernier à Barcelone. Il devenait ainsi le troisième performeur canadien de tous les temps.

C'était 18 jours après la naissance de son fils Arno, un événement qui a stabilisé sa vie d'athlète. «Depuis que je suis père, j'ai eu des performances extraordinaires!», s'emballe Genest, qui a découvert les bienfaits de s'installer dans une routine.

Après une excellente préparation hivernale, dont un stage d'un mois en Arizona, Scott-Thomas voit grand pour son poulain: une finale olympique et le record canadien de 8:12,58, détenu par Graeme Fell depuis 1985. «Ça se voit, on le sent, Alex est prêt pour beaucoup plus.»

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Trois courses d'Alex Genest en 2012

29 avril:

Palo Alto Payton Jordan Cardinal Invitational (États-Unis)

8:27.41

6 mai:

Belém GP Caixa Governo do Pará (Brésil)

8:38.06

9 mai:

Fortaleza Grande Prêmio Caixa Unifor de Atletismo (Brésil)

8:26.65

Sur la bonne voie, mais attention!

Depuis le 9 mai, Alex Genest a tous ses standards en poche pour se qualifier pour les Jeux olympiques de Londres. Il ne lui reste plus qu'à terminer parmi les trois premiers aux sélections de Calgary, du 27 au 30 juin, et le tour sera joué. Cela semble pratiquement une formalité pour le double champion national en titre.

Mais attention! Un faux pas est si vite arrivé. Le steepler le sait mieux que quiconque. Plus tôt cette semaine, il s'est fait une petite frayeur avant sa dernière compétition préparatoire à Indianapolis, où il a dû déclarer forfait. «Je me suis tordu la cheville lors de l'échauffement avant ma course, nous a-t-il écrit vendredi. Rien de trop grave, je devrais être sur pied ce week-end. Disons que j'ai eu une petite frousse... Parce que ç'a beaucoup enflé dans les premièresheures. Mais c'est déjà revenu à la normale de ce côté. Juste un peu trop de douleur en ce moment pour recommencer à courir. »