Kathy Tremblay n'a qu'un mot pour qualifier ses Jeux olympiques de Pékin: désastre.

Humiliée par une 31e place qu'elle juge «inacceptable», la triathlète de 26 ans s'est juré de ne jamais revivre pareil cauchemar. Depuis l'automne, ce petit dynamo a revu sa préparation de A à Z et met les bouchées doubles sur son vélo. Son objectif avoué: un podium aux Jeux olympiques de Londres, en 2012. C'est bien parti.Kathy Tremblay est un peu masochiste. Jeudi après-midi, elle nous a donné rendez-vous dans une boulangerie-pâtisserie jouxtant le marché Atwater. «Quel supplice!» lâche-t-elle en lorgnant le présentoir à pâtisseries. Elle se contentera d'un café au lait.

En montant sur le pèse-personne ce matin-là, Tremblay a constaté avec horreur que le cadran indiquait 107 livres pour une deuxième journée de suite. «Je suis censée peser 105 livres, c'était la panique», dit celle qui a travaillé d'arrache-pied pour réduire son poids de cinq livres durant l'hiver.

Elle a donc recommencé à peser ses aliments. Devant le sourcil froncé du journaliste, elle sent qu'elle doit s'expliquer. «Le sport est devenu tellement compétitif qu'il faut que tu te rendes quasiment à la limite de la folie, sans tomber dans l'anorexie ou la boulimie. C'est à la limite du sain», concède la triathlète de 26 ans.

Mais voilà le genre de sacrifice auquel Tremblay est prête à consentir afin d'atteindre son objectif ultime: devenir la meilleure triathlète au monde, rien de moins.

En ce début de saison post-olympique, Tremblay a démontré qu'un tel but n'était pas qu'une utopie.

Fin avril, elle a pris le deuxième rang de la Coupe du monde d'Ishigaki, au Japon, son premier podium en trois ans. Encore mieux, une semaine plus tard, en Corée, elle a fini quatrième de la toute première épreuve des séries du championnat du monde, nouvelle catégorie prestigieuse mise sur pied par la fédération internationale. Contrairement au Japon, presque toutes les meilleures du monde y étaient. Tremblay a échappé le podium par deux secondes.

Belle façon d'oublier une première expérience olympique qui a viré au désastre l'été dernier.

Mal épaulée

Encore aujourd'hui, Tremblay est gênée de dire qu'elle a fini 31e à Pékin alors qu'elle visait une place parmi les huit premières.

L'athlète originaire de Gatineau était dans le peloton de tête après les portions de natation et de vélo avant de s'effondrer à la course à pied. Dans la touffeur pékinoise, elle a franchi les 10 kilomètres en 40 minutes quatre secondes, une éternité pour cette excellente coureuse, qui aimerait bien briser les 34 minutes cette année.

«Je n'ai même pas sauté, précise-t-elle. C'est comme si tu essaies de partir ton char et qu'il fait bop-bop-bop. Ça n'a juste jamais décollé.»

Tremblay y voit une préparation inadéquate. Tout en acceptant sa part du blâme, elle estime qu'elle était mal épaulée par son entraîneur d'alors, Philippe Bertrand, en qui elle avait perdu confiance.

«Dans les 12 mois précédant les Jeux, il ne s'est jamais pointé à un entraînement, affirme Tremblay. Je lui ai parlé deux ou trois fois au téléphone dans l'année. C'était devenu négatif entre nous.»

Bertrand est maintenant entraîneur-chef de l'équipe canadienne. Étonnamment, Tremblay se réjouit néanmoins de la nomination de celui qu'elle considère «super intelligent», «sans malice» et excellent organisateur. Ils ont fait la paix lors d'un camp de l'équipe canadienne en Arizona, en mars.

«Ça a mal fini avec Philippe, mais il y a eu beaucoup d'apprentissage. J'ai vraiment appris à me connaître, à savoir ce que je veux et ce que je ne veux pas. Aujourd'hui, tu ne m'en passes pas une p'tite vite. Je suis une vraie bitch!» lance-t-elle en riant.

Profession: conjoint/entraîneur

Son nouvel entraîneur, Tremblay le connaît depuis sept ans. Il s'appelle David-James Taché et il est son amoureux. Elle a rencontré ce «beau grand gars aux épaules carrées» à l'entraînement à Dollard-des-Ormeaux. Âgé de 32 ans, Taché a mis fin à sa carrière de triathlète l'an dernier pour se consacrer à celle de sa blonde.

Tremblay admet qu'il n'est pas toujours évident de séparer l'amoureux de l'entraîneur. Ils ont leurs trucs.

Par exemple, ils ont signé un contrat. Elle lui verse un petit salaire et il reçoit même des primes à la performance, soit 15% de ses bourses.

Taché, le chef d'orchestre, partage également le travail avec Marc Beaudry (natation), Paulo Saldanha (vélo) et Chris Rozdilsky (vélo). Ces deux derniers sont associés à la structure d'entraînement B2Dix, mise sur pied par l'entraîneur de ski acrobatique Dominick Gauthier. Tremblay en est la seule représentante en sport d'été.

«Ce sont mes trois mousquetaires, dit Tremblay au sujet de ses entraîneurs. Ça aide à maintenir l'équilibre avec mon chum.»

Malgré tout, des frictions peuvent survenir, comme ce fut le cas à leur retour d'Asie, au début du mois. «C'est moi qui suis fatigante, avoue Tremblay, l'extravertie du couple. Je suis un peu boss des bécosses. Parfois, sans même y penser, je suis parfois un peu rude dans mes propos. Il faut que je fasse attention.»

Retour sur investissement

Autant partenaire d'entraînement que coach, David-James a appris à Kathy à optimiser ses entraînements, privilégiant un effort de qualité de deux heures plutôt qu'une longue séance de six heures. L'hiver dernier, priorité a été accordée au vélo, principalement sur rouleau. «Du bécyk, j'en ai fait comme t'as jamais vu. J'en ai mis de la petite crème dans le chamois...»

Les effets bénéfiques se sont fait sentir... à la course à pied, où elle arrive nettement moins taxée. Tremblay utilise l'analogie du 100$ pour expliquer sa progression. En gros, tout le monde part avec 100$ dans les poches au départ d'un triathlon. Dans le passé, la Québécoise en dépensait 20 dans l'eau avant d'en lâcher 60 sur son vélo. Faites le calcul, il ne lui restait que 20$ pour la course.

«Mon but est de me rendre à 20 piastres en vélo, explique-t-elle. S'il me reste 60 piastres, t'imagines pas comme je vais courir vite...»

Le mois prochain, Tremblay aura l'occasion de remettre à l'épreuve sa théorie économique à l'occasion du triathlon de Washington (21 juin), troisième étape des séries du championnat du monde, et de la prestigieuse - et très payante - Coupe du monde de Des Moines, en Iowa (27-28 juin).

Il s'agira de ses deux plus importants rendez-vous de la saison avant la grande finale du championnat du monde, sur la Gold Coast australienne, en septembre. Ce sera, déjà, une première étape en vue des prochains Jeux olympiques. «L'objectif est clair pour tout le monde dans l'équipe: une médaille à Londres en 2012», dit Tremblay, catégorique. Et ne vous avisez pas de la contredire.