(New York) C’est Huey Lewis qui, dans les années 1980, a été le premier – peut-être – à soulever la question existentielle au sujet de New York : dans quelle autre ville a-t-on « un demi-million de choses à faire à trois heures moins quart » ?

Le bon Hugh Anthony Cregg III n’avait sans doute pas en tête une partie de pétanque, mais c’est maintenant dans l’univers des possibles.

Nous voici, par un mardi soir froid et venteux, dans Industry City, ancien secteur industriel désaffecté de Brooklyn devenu un véritable terrain de jeux pour adultes. On y trouve en effet une tonne de restaurants, de boutiques, une succursale d’une chaîne de microbrasseries de Brooklyn qui a flairé la bonne affaire, un magasin de bandes dessinées et une épicerie japonaise grosse comme la zone des buts dans la LCF (c’est gros, ça).

Tout ça en bordure du Gowanus Expressway, une autoroute surélevée. Un peu comme si le club échangiste et le site d’entreposage U-Haul sur Crémazie Est faisaient place à des commerces branchés et faisaient de ce secteur de Saint-Michel l’endroit où être vu.

Le Carreau Club fait partie de ces lieux qui attirent les gens cool. C’est tout à fait par hasard, en testant les commerces du coin, que La Presse s’est accroché les pieds dans ce club de pétanque, doublé d’un bar, ouvert au public, mais qui accueille aussi des ligues.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Le tableau du tournoi du Carreau Club

À notre défense, le tableau du tournoi, ce soir-là, est invitant pour tout amant du français, de Michael Rousseau à Emmanuella Lambropoulos. Les Canniboules affrontent en effet les Big Lebouleskis, mais les Crèmes boulées et les Huguenots attirent aussi notre attention.

Un Français, Olivier, nous oriente vite vers un Québécois, Hugue, que l’on devine capitaine des Huguenots, parce que c’est ce genre de déductions que font les plus grands enquêteurs.

Hugue, c’est en fait Hugue Dufour, le chef derrière le fameux M. Wells de Long Island City, le M. Wells Dinette avant ça. Le Carreau Club appartient à Aaron Weeks, un de ses anciens employés, et à la partenaire de Weeks, Dana Bunker.

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Hugue Dufour et Aaron Weeks

« On a commencé à jouer ensemble au Dinette, nous explique Aaron Weeks. Un des employés connaissait la pétanque et avait acheté des boules. Le Dinette était situé dans un musée [le PS1, une annexe du MoMA], et dans la cour, il y avait un terrain de petit gravier. Tous les dimanches, on faisait rôtir un cochon et s’organisait un tournoi de pétanque. Tout le monde nous massacrait, évidemment, donc on a commencé à jouer plus souvent, en buvant du vin une fois que le restaurant était fermé. C’était une bonne façon de se détendre. »

Le Carreau Club a donc vu le jour il y a trois ans. C’est entièrement le projet de Weeks, mais « je les ai aidés à monter le menu », raconte Dufour. Il cite à titre d’exemple le grilled-cheese à la soupe à l’oignon, qui a d’ailleurs sustenté La Presse ce soir-là.

Sa description de la clientèle ressemble à ce qu’on a observé : une parité hommes-femmes, des gens « dans le début de la vingtaine, mais aussi des septuagénaires », décrit Weeks. La pétanque attire aussi une certaine francophonie, « des Québécois, des Français qui habitent ici et des Nord-Africains », de même que des gens du quartier.

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Le Carreau Club fait partie de ces lieux qui attirent les gens cool.

Lui-même a des racines francophones. Sa mère, une Rivet, a des origines québécoises. « De Joliette et Trois-Rivières », dit-il, en se forçant pour prononcer ses « r » avec la gorge.

Pour l’heure, un Québécois en manque de pétanque en plein hiver peut donc sauter dans sa voiture et rouler six heures pour tirer ou pointer. Mais notre homme nous informe qu’un projet similaire est en préparation à Montréal et devrait ouvrir ses portes au cours de la prochaine année.

Mais même sans jouer à la pétanque, il y a moyen de se divertir au Carreau Club, ne serait-ce que pour l’affiche format géant de The Rock dans un coin.

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Affiche de The Rock

Comment ça, Brooklyn ?

Cette carte postale à Brooklyn a été écrite dans le cadre d’un match du Canadien à Newark. Quelque 30 kilomètres séparent les deux bourgades. Mais la beauté de la chose est que Manhattan est situé à mi-chemin, et les trains PATH assurent la liaison entre New York et sa voisine malaimée en quelque 25 minutes, pour 2,75 $. Il y a donc moyen d’ajouter un match des Devils à une virée new-yorkaise. Ou, dans un contexte professionnel, d’ajouter une virée new-yorkaise à un match des Devils.