L'ex-journaliste Liliane Lacroix, première femme à écrire dans les pages sportives de La Presse et l'une de celles qui ont pavé la voie pour plusieurs autres femmes qui exercent le métier de journaliste sportif, est morte subitement mercredi matin. Elle avait 65 ans.

Au moment d'écrire ces lignes, on savait peu de choses sur les circonstances entourant son décès. Selon nos informations, elle était hospitalisée en attendant de subir une intervention mineure.

Embauchée à La Presse en mai 1970 comme secrétaire à la rédaction, Mme Lacroix s'est jointe à l'équipe des sports l'année suivante. Elle y demeure jusqu'en 1984, lorsqu'elle passe aux actualités générales. Elle occupe ensuite divers autres postes à la rédaction et au pupitre jusqu'à sa retraite, en avril 2009.

Le terme «pionnière» est peut-être parfois galvaudé de nos jours, mais il est tout à fait de mise quand vient le temps de parler de Liliane Lacroix. En effet, dans les années 70 et 80, la scène médiatique sportive était presque exclusivement l'apanage des hommes.

«Elle a ouvert des portes dans le monde du sport. C'était spécial qu'une femme couvre le sport à cette époque. C'était une place de machos», souligne Richard Chartier, ancien journaliste à La Presse.

Mme Lacroix s'est d'ailleurs butée à quelques reprises à ces mentalités machistes qui pouvaient régner.

«En 1973, les passerelles de presse étaient carrément interdites aux femmes. Je m'asseyais donc avec les femmes des joueurs ou des journalistes, mais j'étais privée des résultats qui circulaient sur la passerelle. J'ai fini par leur piquer une bonne crise pour avoir ce que je voulais», avait-elle raconté au magazine Trente, publié par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, en novembre 2000.

«On l'adorait»

La section des sports de La Presse avait en quelque sorte voulu réaliser un coup d'éclat en embauchant Liliane Lacroix, question de se distinguer de la compétition. «On était déjà un peu plus marginaux par rapport aux autres», souligne l'ex-chroniqueur Pierre Foglia.

Mme Lacroix n'a pas mis de temps à s'intégrer à ce groupe entièrement masculin et à gagner l'estime de ses collègues, qui ont tous salué sa gentillesse et son professionnalisme, hier.

«Elle avait un petit sourire espiègle. Elle faisait partie de la gang. On l'adorait», raconte le chroniqueur Réjean Tremblay, à qui La Presse a annoncé la nouvelle.

Les confrères de Mme Lacroix n'ont jamais hésité à se montrer solidaires s'ils étaient témoins de commentaires ou situations désobligeants envers elle. Même si, de leur propre aveu, elle était amplement capable de répondre à ceux qui auraient pu vouloir l'importuner.

«Il y avait toujours un con pour faire une farce plate, mais elle avait le don de faire en sorte qu'il se sente mal, raconte Ronald King. [...] Le monde du sport n'a pas été méchant avec elle, mais on disait à ceux qui l'étaient que s'ils ne la prenaient pas, on ne couvrait pas leur événement.»

«C'était une main de fer dans un gant de velours, illustre quant à lui Réjean Tremblay. Elle savait se faire respecter, mais en même temps, elle était tellement gentille d'approche.»

Une approche novatrice

Liliane Lacroix a notamment couvert la boxe durant son passage aux sports. Le promoteur Yvon Michel, qui oeuvrait à l'époque au niveau amateur, l'a souvent côtoyée lors de différents événements.

Tous deux devaient d'ailleurs renouer dans environ deux semaines, à l'occasion d'un souper-retrouvailles auquel étaient aussi conviés d'autres intervenants de la boxe de l'époque. Le destin en aura malheureusement décidé autrement.

«C'est un méchant choc», a-t-il admis, décrivant Mme Lacroix comme étant «agréable», «brillante» et dotée d'une «très belle plume».

Yvon Michel se souvient encore des bières qu'il a partagées avec Mme Lacroix quand celle-ci couvrait les combats des Gants dorés et demeurait sur place plusieurs heures après la fin de l'événement. Mais surtout, il garde en mémoire son intérêt pour le côté humain des athlètes et du sport en général dans ses reportages, approche certainement novatrice à l'époque.

«Pendant que d'autres se concentraient davantage sur les résultats et les performances, elle est arrivée avec un intérêt pour la personne et l'entourage. Elle ne posait pas les mêmes questions. Elle amenait une couleur différente.»

Ça ne signifiait cependant pas que Liliane Lacroix ne se passionnait pas pour le sport qu'elle couvrait. Au contraire.

«Elle tripait boxe, rappelle Pierre Foglia. [...] Elle connaissait la boxe et elle défendait ses opinions avec des arguments qui venaient de quelqu'un qui aime la boxe.»

«Elle avait un jugement et une finesse d'esprit qui la mettaient dans le top du monde du sport», conclut Richard Chartier.

Liliane Lacroix laisse dans le deuil ses deux filles, Évelyne et Audrey.