Alexandre Despatie a tout fait pour se prémunir du blues post-olympique qui l'a plongé dans le noir en 2004: courtes vacances, retour rapide sur les tremplins et horaire de compétitions chargé. Le plan paraissait infaillible... jusqu'à ce que son dos se rappelle à son douloureux souvenir. À son corps défendant, le vice-champion olympique est encore sur la touche. Exaspéré, le plongeur veut rebâtir son corps. Patiemment et tranquillement.

Quand Carey Price a été repêché, ça faisait déjà sept ans qu'Alexandre Despatie était bien connu au Québec. Pourtant, le plongeur n'a que deux ans de plus que le gardien de but du Canadien. Et le poids des années commence à peser.

«Le monde rit quand je dis ça, mais je ne suis plus si jeune, souligne Despatie. J'ai 23 ans, 24 dans un mois et demi, et ça fait 19 ans que je plonge. J'ai commencé sur le circuit international à l'âge de 12 ans. Ça fait presque 12 ans que je plonge avec les meilleurs au monde. À un moment donné, ça tombe sur le corps.»

Despatie avait imaginé un scénario différent pour la saison suivant les Jeux olympiques de Pékin, où il a surmonté une fracture à un pied et de sérieux maux de dos avant de remporter la médaille d'argent au tremplin de 3 mètres.

«C'est démoralisant»

Frappé par un mal de dos réapparu au mois de janvier, il a dû tirer un trait sur les premières compétitions de l'année. Pour une deuxième année de suite, il sera donc contraint au rôle de spectateur à la Coupe Canada de plongeon, présentée de jeudi à dimanche, au bassin du Parc olympique. Pour un athlète qui carbure à l'adrénaline de la compétition, la pilule est difficile à avaler. «C'est dur, c'est démoralisant», admet Despatie, rencontré mercredi pour le lunch dans un restaurant de Rosemont.

Despatie nous attendait fin seul sur la terrasse balayée par le vent, simplement vêtu d'un t-shirt. «Je combats le froid depuis deux semaines!» explique-t-il alors que le soleil se pointe timidement. Frugal, il commande un potage aux carottes. «Sans pain», précise-t-il à la serveuse.

Car le plongeur surveille sa ligne. Oh, rien de radical. À 168 livres, il est à deux ou trois livres de son poids de compétition. «Ce n'est pas nécessairement une question de poids, mais plutôt de ce que j'ai l'air, précise-t-il. Il faut transformer le gras qui me reste en muscles. C'est ça qui fait la différence.»

Après une pause forcée d'un mois, Despatie a repris l'entraînement sur les tremplins depuis cinq semaines. Le retour est graduel. Chaque petite douleur est soigneusement analysée. Pas très en forme cette journée-là, il a décidé de couper l'entraînement de moitié avec l'accord de son entraîneur personnel Arturo Miranda. La prudence est de mise.

«Mon but est de plonger aux championnats du monde (à Rome, en juillet), explique-t-il. Je travaille très fort pour que mon dos se rétablisse le mieux possible. Pas nécessairement le plus rapidement possible, mais le mieux possible. C'est une décision pour le long terme, pour les trois prochaines années. Après mon pied l'an dernier, ça fait deux ans de suite que je fais une compétition par année. Je suis écoeuré, ce n'est pas ce que je veux pantoute. Les compétitions, c'est ce que j'aime, c'est de ça dont je m'ennuie.»

En janvier, alors que l'entraînement plus intense reprenait, Despatie a ressenti une douleur musculaire au bas du dos, du côté gauche, la même douleur qui l'empêchait de s'entraîner à une semaine de sa compétition à Pékin.

Le plongeur a dû mettre la pédale douce avant de partir à Boston consulter le Dr Igor Burdenko, le même spécialiste qui avait conçu son plan de réadaptation après sa fracture à un pied l'an dernier. Ce dernier a émis le même diagnostic que Despatie avait déjà reçu dans le passé: un débalancement musculaire entre les côtés gauche et droit, probablement une conséquence de longues années à prendre son envol sur le tremplin sur la jambe gauche.

En plus de la poursuite des traitements de physiothérapie, Despatie doit renforcer ses muscles stabilisateurs. «C'est difficile à travailler, explique-t-il. Ce sont de petits muscles qui s'accrochent à mon bassin et à ma colonne. C'est dans la tête. Il faut que j'y pense tout le temps, pour n'importe quel mouvement que je fais. Éventuellement, ça deviendra naturel et je n'aurai plus à y penser.»

Dans un monde idéal, Despatie sera rétabli pour les Mondiaux de Rome, où il tentera de reprendre son titre mondial acquis à Montréal à l'été 2005. Mais pas question de sauter d'étapes et de précipiter un retour. «Le but ultime, c'est dans trois ans, ce sont les Jeux olympiques de Londres», rappelle-t-il. Il aura alors 27 ans et un dos.