Le président du CIO Jacques Rogge, défenseur du concept de «tolérance zéro», reste très ferme sur la lutte contre le dopage, mais affirme qu'il «faut éviter la suspicion généralisée», dans une interview accordée à l'AFP et diffusée en quatre volets.

Q: Nous sommes en pleine période de contrôles antidopage pré-compétition qui se font sous l'égide de l'agence mondiale (AMA) et des autorités de chaque pays. Pouvez-vous garantir un maillage efficace?

R: «Oui parce que nous faisons des contrôles ciblés. Les sportifs du monde entier sont logés à la même enseigne: Nous ne travaillons pas pays par pays mais sport par sport. Dans chacun, des experts suivent les évolutions de la performance, les paramètres sanguins dans les sports qui les enregistrent... On regarde également les sportifs qui disparaissent dans la nature.»

Q: L'avalanche de records du monde, en athlétisme ou natation, n'est-elle pas de nature à alimenter la suspicion sur la fiabilité des contrôles?

R: «Il faut éviter la suspicion généralisée. Il y a des facteurs qui sont dans certains cas totalement objectifs: Il y a eu près de 20 records du monde en natation en 2008. Ils sont dus aux combinaisons, c'est très clair. Il y a eu des soupçons infondés et déplacés. Quand (le Français Alain) Bernard a battu un de ses records du monde, un concurrent a émis des doutes. Le lendemain, un autre nageur a battu le même record. C'était déplacé. Bernard a progressé. Il est arrivé à éclosion et a profité des combinaisons. C'est tout. Pour les autres sports, il ne faut pas oublier que l'année olympique est celle où les sportifs se préparent le plus et le mieux, les autres années ils peuvent vivre un peu sur leur talent. Mais ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas de tricherie. Il ne faut ni être naïf ni dire +tous pourris+».

Q: L'affaire Marion Jones n'a-t-elle pas porté un coup à la crédibilité des performances?

R: «Marion Jones avait une organisation scientifique pour arriver +propre+ au moment des compétitions. Il n'y avait pas alors assez de contrôles inopinés hors compétition. Il est probable qu'on aurait pu la prendre en faisant plus de ce type de contrôles comme on le pratique actuellement. Mais nous avons eu 26 contrôles positifs à Athènes. Cela veut dire que les contrôles classiques marchent. Mais si l'on regarde les statistiques, la plupart des athlètes sont pris hors compétition.»

Q: Comme à Athènes, l'hormone de croissance (hGH) sera recherchée à Pékin mais avec un test qui possède une fenêtre de détection très courte...

R: «La fenêtre de détection n'est pas large mais c'est comme pour l'EPO. Or, il y a toujours des imbéciles qui se font prendre à l'EPO... C'est vrai qu'il y a des moyens de se présenter plus ou moins propre à une compétition, des moyens de dopage que nous ne pouvons déceler, comme la transfusion autologue (avec son propre sang, ndlr). Nous le disons très honnêtement: nous testons tout ce qui est scientifiquement possible en et hors compétition. A tous ceux qui disent que la lutte antidopage ne marche pas je réponds: +Regardez les chiffres+. 26 positifs à Athènes, c'est quoi? 11 à Turin. Ca veut dire que la lutte contre le dopage n'est pas parfaite mais fonctionne. Ce n'est pas seulement un effet d'annonce.»

Q: Que pensez-vous de l'éventualité de voir Dwain Chambers (banni à vie par le Comité olympique britannique pour dopage mais qui a déposé un recours devant la justice, ndlr) participer aux JO de Pékin?

R: «Je n'ai pas de jugement de valeur à faire. Nous attendons la décision du juge. S'il le décide, Chambers pourra participer. Que ce soit avec enthousiasme ou pas, nous nous plierons à une décision de justice. Nous avons la possibilité de dire que quelqu'un est indésirable aux Jeux mais sur des critères objectifs: une sanction de plus de six mois (tout athlète suspendu plus de six mois à partir du 1er juillet 2008 est banni pour les Jeux suivants, ndlr). Nous ne pouvons pas faire ça sur une réputation et dire +j'estime qu'il n'a pas sa place+. Nos juristes ont été très clairs: il faut des faits avérés avant de prendre une telle décision.»

Q: Sur ce front, comment se passe la collaboration avec la Chine?

R: «On a lancé beaucoup d'accusations contre la Chine et Dick Pound (ex-président de l'Agence mondiale antidopage), que l'on ne peut soupçonner de complaisance, a fait une visite en octobre 2007 et est revenu enchanté des efforts des Chinois. Ils ont fait plus de 10.000 tests l'an passé, ils punissent sévèrement leurs athlètes, la qualité du laboratoire est excellente et je suis très heureux de la collaboration que nous avons pour nos propres contrôles durant les Jeux».

Q: La lutte antidopage passe également par la collaboration avec les autorités publiques. Avec les douanes, les autorités policières chinoises tout va bien aussi?

R: «S'il y a besoin de faire ce que j'ai fait à Turin en demandant aux carabinieri de perquisitionner l'appartement des Autrichiens, je ferai la même chose à Pékin. Ce sera aussi facile en Chine qu'en Italie. Nous avons discuté de tous ces scénarios.»

Propos recueillis par Françoise Chaptal