Dernière du 400 m nage libre, avant-dernière du 100 m dos et éliminée du 200 m dos, la grande championne Laure Manaudou a connu l'enfer lors des Jeux olympiques de Pékin laissant apparaître des bleus à l'âme qu'il lui faudra panser pendant longtemps.

Au bout du rouleau, l'égérie de la natation française, qui n'a que 21 ans, a choisi de dire +stop+ à une spirale dans laquelle elle s'est perdue depuis plus d'un an, égrenant son envie de nager, son unique moteur pendant près de dix ans.

«Il faut qu'il y ait quelque chose d'autre qui remplisse sa vie (...). A ce moment-là, elle sera en situation de sentir si c'est quelque chose qu'elle a encore envie de faire ou pas (nager)», confie Lionel Horter, son entraîneur depuis janvier.

Après avoir révélé jeudi son intention de faire une longue pause, Manaudou s'est tout de même alignée vendredi en demi-finales du 200 m dos. Mais le coeur n'y était plus. Comme une mauvaise habitude prise à Pékin, elle n'a pas lutté.

Impensable il y a encore un an pour celle dont l'orgueil et la combativité ont forcé l'admiration et tétanisé ses adversaires.

Sur sa distance chérie, le 400 m nage libre, la douleur a été terrible. Battue et dernière. «Je n'ai jamais été autant en difficulté. C'est sûr que dans la tête, ce n'est pas facile», avait-elle reconnu, évoquant un problème mental.

Cassure

Pour Horter, la course du 400 m a joué le rôle de détonateur et révélé une fêlure chez la jeune femme.

«Elle a exprimé à ce moment-là une cassure qui est en elle depuis longtemps. La grande championne qu'elle a été, le tempérament de battante et de compétitrice qu'elle avait s'est un peu perdu parce que, tout simplement, sa motivation intime est différente», explique Horter.

Manaudou ne va pas bien. Quand elle a quitté son mentor Philippe Lucas après les Mondiaux-2007, la sportive avait tiré le signal d'alarme. Mais quand on s'appelle Laure Manaudou et que les jeux Olympiques approchent à grand pas, il n'est pas permis de renoncer.

«Le fond du problème est là, avoue Horter. Est-ce qu'elle était capable de dire à 20 ans, après Melbourne, où probablement la cassure était déjà là: +J'arrête+ ? Est-ce que c'était possible pour elle, l'icône du sport français, de prendre une décision pareille ? Qui en aurait été capable ? Personne», insiste l'entraîneur.

Période Lucas

Horter fait son mea-culpa pour ne pas avoir davantage compris la profondeur de la cassure, dont on ne connaît ni l'origine, ni la nature.

L'entraîneur s'avance à évoquer la période Lucas, durant laquelle Manaudou a nagé sans relâche, 18 km par jour, pour devenir championne olympique et triple championne du monde.

«Je ne sais pas si c'est consciemment ou inconsciemment, mais je crois que tout ce qu'il s'est passé depuis un an et demi, c'est quand même un ras le bol de sa vie de nageuse, de dix ans de natation, de ce qu'elle vivait à ce moment-là», remarque Horter.

Après avoir quitté Lucas en mai 2007, Manaudou a enchaîné les difficultés, tant sportives que personnelles. Elle a changé trois fois d'entraîneur, s'est séparé sur fond de «crise à l'italienne» de son petit ami, le nageur Luca Marin, puis a été ébranlée par la diffusion de photos intimes sur internet.

A Pékin, l'abcès s'est enfin crevé. Manaudou va désormais prendre le temps de la réflexion pour savoir quelle suite donner à sa vie, dans les bassins ou hors des bassins. Elle n'a que 21 ans.