Le Québec foisonne de créateurs qui fabriquent de leurs mains des objets originaux, authentiques, uniques. La Presse part à la rencontre de ces artisans dont les gestes et le regard donnent ses couleurs au design d’ici.
Les mains dans la matière, un pied dans l’art et l’autre dans le design, Clara Jorisch façonne des pièces uniques à mi-chemin entre la sculpture et le mobilier. Ses créations revisitent l’objet de fonction et sont autant d’invitations à collectionner son décor.
Étudiante en design graphique, Clara Jorisch savait que son parcours professionnel se dessinerait ailleurs que dans l’univers de l’objet de masse. En projet de fin d’études, elle présente des miroirs brisés aux formes organiques, clins d’œil à sa génération captivée par le paraître et l’image. Ce sont ces mêmes créations qu’elle finira par développer en parallèle de ses contrats en design graphique, une fois son diplôme en poche.
De fil en aiguille, la designer prend goût au travail du verre, un matériau complexe et fragile qui a tout pour allumer la curiosité d’une minutieuse à tendance perfectionniste. En bonne autodidacte, elle fait ses recherches pour en maîtriser les détails et la technique. « Je suis du genre à m’entêter sur les choses que je ne comprends pas, à m’acharner sur les matériaux et la finition pour obtenir exactement ce que je veux », souligne la designer devenue artisane par la force des choses. Le geste a suivi l’ambition créative.
Plus jeune, Clara portait déjà mille et une idées de mobilier à naître. Tel père, telle fille ? L’illustrateur Stéphane Jorisch fabrique des meubles dans ses temps libres. « Mon père avait un atelier dans le sous-sol où j’aimais traîner. Je n’avais pas le droit de toucher à ses outils, mais j’allais parfois y confectionner quelques objets. » Devant l’évidence, le père a fini par partager son espace, et même ses outils, le temps que sa fille aménage dans ses propres locaux.
J’aime l’objet fait main et le geste derrière l’objet.
Clara Jorisch, artisane
Le défi de la création
L’atelier de Clara Jorisch est tout frais d’une peinture appliquée la veille. D’abord installée dans un petit studio, la créatrice vient de migrer dans l’espace adjacent, cinq fois plus grand, où tous ses matériaux, canevas et outils sont soigneusement rangés.
« Je viens d’emménager », s’excuse l’artisane en indiquant se sentir vraiment éparpillée par les temps qui courent. L’espace, rempli de miroirs qui reflètent des fragments du décor et réfractent une lumière naturelle abondante, semble à nos yeux on ne peut plus rangé. On y reste tout de même aux aguets : on retiendra notre souffle en passant devant un établi où trône une table à café en attente de sa dernière patte de verre.
« J’ajoute graduellement des couches de difficulté au défi », explique celle qui se consacre ces jours-ci à une nouvelle collection de mobilier mariant le verre en plaque et le verre soufflé. Ce travail succède à la création de poufs aux allures de galets de plage, structurés par des cordes en tension.
Créer l’objet unique
« Tout ce qui est usiné met de l’avant des ronds ou des lignes droites. Tout en ville est à angle droit, relève-t-elle. J’aime me couper de l’univers industriel qui façonne les objets du quotidien et notre environnement. » Le processus créatif de Clara Jorisch s’accompagne de dessins guidés par une gestuelle portée vers la fluidité et les courbes. « Ce n’était pas prévu comme ça, mais c’est ce qui me vient spontanément. C’est peut-être moi qui essaie de me sortir d’un univers de designer graphique, mais j’ai une affinité avec tout ce qui est organique ».
Il est tout de même prématuré de prévoir la suite des choses, nuance-t-elle dans un refus de se cloisonner. La créatrice n’en est encore qu’à ses débuts. « S’il y a une chose qui risque de rester sur le long terme, c’est le désir d’être créatif et d’apporter toutes mes connaissances techniques à des idées nouvelles. » Créer... Surtout, ne pas devenir une shop, insiste celle qui rêve de voir ses créations dans des musées, des installations et des décors uniques.
« J’imagine mes pièces comme des objets de collection. Elles visent à nous sortir de ce qui est prescrit dans le rapport au mobilier. Prenons mon pouf : il est possible qu’on choisisse de ne pas s’asseoir dessus, mais à côté, et qu’on l’utilise plutôt pour s’appuyer. Les objets que j’essaie de sortir de ma tête, je les vois rêveurs, ludiques et sujets à l’interprétation. Ce sont des expériences », dit-elle.
Consultez le site de Clara Jorisch