Clara Jorisch, reflet de l’époque
Designer graphique de formation, Clara Jorisch délaisse rapidement l’abstrait pour le concret avec une collection de miroirs artistiquement brisés en leur centre. « Quand je me suis penchée sur les miroirs, j’ai remarqué à quel point ces objets fascinaient les jeunes de mon âge qui se regardaient sans cesse. La brisure suggérait une pause, un répit dans une obsession de l’image », raconte-t-elle. Le travail du verre, matière complexe et fragile par excellence, l’enchante au point d’avoir sorti, l’hiver dernier, des modèles de très grands formats fabriqués à l’aide de chutes de verre, réfléchissants utilisés notamment en architecture. Elle s’est néanmoins essayée récemment au mobilier avec des poufs, sortes de sculptures molles bardées de corde. Inspirés de la nature (larves, galets…), de la technique du ligotage (bondage), de la mode et de la voile, ils s’associent comme les modules d’un terrain de jeux intérieur. « J’aime faire des objets sans fonction prédéfinie, qui se prêtent à une interprétation libre pour que les gens les adoptent comme ils le veulent, qu’ils créent un espace domestique qui leur ressemble », explique la jeune artiste-designer de 26 ans qui se prépare à déménager cet automne son studio de Notre-Dame-de-Grâce dans un bâtiment industriel de Ville-Émard.
Consultez le site de Clara JorischEdith Sevigny-Martel, curiosités domestiques
Carafes aux bords ourlés comme ceux d’une feuille, bols en forme de champignons des bois ou encore vases cocons, les céramiques d’Edith Sevigny-Martel ont quelque chose de merveilleux. Dans son nouveau studio du quartier Chabanel, elle se laisse guider par ses émotions pour créer, à la main, des pièces uniques. La jeune femme, venue du monde de la publicité, tombe amoureuse de l’argile et de ses infinies possibilités grâce à une session de cours en 2018, suivie de longues heures de travail. Sa sélection pour le Souk MTL l’automne dernier la convainc de se consacrer pleinement à sa passion. « Elle m’a donné une légitimité », confie-t-elle. La lenteur du geste lui permet de laisser la matière lui dicter la forme des objets en harmonie avec les pensées qui la traversent. « Ma collection de vases gris Moires [en hommage aux trois divinités grecques] capture ainsi un moment de transformation personnelle », révèle-t-elle. Après le corps féminin, c’est la nature et ses lignes organiques qui l’inspirent aujourd’hui pour les créations de Maison Sevigny. Elle mûrit aussi tranquillement un nouveau projet : la création d’appliques murales. « J’aime faire des pièces fonctionnelles qui titillent la curiosité des gens au quotidien », se réjouit-elle.
Consultez le site de Maison Sevigny (en anglais)Chris Fusaro, pièces manifestes
En septembre 2019, Chris Fusaro montait l’exposition Objects in an Embassy avec la designer Laura Azzalini à l’étage vacant au-dessous de son studio, dans l’ancien consulat général de la République tchèque. Dans ce décor un rien obsolète, il conçoit un mobilier inspiré du design radical, un mouvement artistique qui a vu le jour au cours des années 1960, dans l’Italie de ses aïeux. Ses chaises en fibre de verre et en résine s’inscrivent ainsi en porte-à-faux avec le mobilier classique. Pièces manifestes d’un intérieur, leurs lignes sont l’obsession première du designer. « Je me concentre sur l’aspect formel des choses. L’exercice de création passe par la simplification de la forme d’un objet tout en gardant celui-ci fonctionnel et confortable », explique ce diplômé en sculpture de l’Université Concordia, ancien assistant du célèbre Gaetano Pesce, à Brooklyn. « Il m’a appris qu’il ne fallait pas nécessairement de grosses machines et des outils coûteux pour accomplir un travail de qualité », confie-t-il. Fasciné par le métal, il travaille actuellement sur un système d’étagères modulables en verre et en aluminium pour lequel il collabore avec un manufacturier fabriquant les fenêtres de véhicules militaires, ainsi qu’une nouvelle chaise en tubes d’acier pliés.
Consultez le site de Chris Fusaro (en anglais)Mie Kim, rituels quotidiens
Sur une étagère de l’atelier de Mie Kim dans le Mile End, des tasses à thé au fini brut et aux couleurs de terre accrochent l’œil. Modelées avec de l’argile des rivières des Laurentides, elles sont l’expression la plus juste de son approche créative. « La récolte, le concassage, la déshydratation, le pétrissage et une multitude d’expérimentations… Ce travail de longue haleine est ma façon de rester connectée à l’origine des choses », fait observer cette ancienne réalisatrice de documentaires venue de Séoul il y a huit ans. C’est ce désir de lien étroit avec la terre qui l’a amenée à donner forme à des céramiques à l’esthétique épurée et imparfaite. Vases pique-fleurs, théières, bougeoirs, porte-encens… Ses créations, vendues en Amérique du Nord, en Asie et en Europe, sont pensées pour inviter à des rituels : « Lorsque je travaille, je pense avant tout à l’état d’esprit dans lequel une personne peut être plongée lorsqu’elle touche ou regarde l’objet, qu’il s’agisse d’une sculpture ou d’une tasse minuscule », confie-t-elle. De retour de Corée, elle se prépare à poursuivre ce qu’elle a entamé : bâtir des ponts entre son pays natal et le Québec, à l’image du viaduc à un jet de pierre de son atelier.
Consultez le site de Mie Kim (en anglais)Thom Fougere, meubles de caractère
Après plusieurs voyages dans la métropole lorsqu’il était directeur de la création d’EQ3, Thom Fougere a quitté Winnipeg l’été dernier pour s’établir à Montréal. S’il poursuit une collaboration avec la marque d’ameublement canadien — des luminaires et des assises en bois sont attendus au début de 2022 —, il explore parallèlement un mode d’expression plus personnel. Il est ainsi parti cet automne dans la région de Toronto à la recherche d’une pierre pour une table de salon qui verra bientôt le jour avec la complicité de la galerie de design Mjölk. « Mon premier projet avec les fondateurs, Juli et John Baker, remonte à 2017. Ils ont joué un rôle énorme dans ma carrière. Ils ont un œil très sûr dans leurs choix esthétiques », explique-t-il. Le designer autodidacte a notamment conçu avec le couple les crédences et les vaisseliers en chêne et en noyer Tambour aux lignes élégantes et intemporelles. « Un meuble doit avoir en lui une qualité qui le fait durer. Beaucoup de mes créations prennent du caractère avec le temps et l’usage », note-t-il. Architecte de formation, il travaille également sur les premiers projets du bureau Fougere Robinson, fondé avec Adam Robinson, qu’il a connu sur les bancs de l’Université du Manitoba.
Consultez le site de Thom Fougere (en anglais)