À la minute où le président Donald Trump déciderait de limoger le procureur spécial Robert Mueller, une vaste mobilisation déjà bien huilée se mettrait en branle, et des milliers de manifestants descendraient rapidement dans les rues.

Plus de 500 manifestations sont déjà dans les cartons - devant la Maison-Blanche et le Capitole, bien sûr, mais aussi dans les grandes villes et de plus petites, dans des États plutôt démocrates, mais également dans des bastions républicains.

Dans le cadre d'une stratégie savamment préparée, un courriel serait immédiatement transmis à des milliers d'abonnés: «Donald Trump vient tout juste de congédier celui qui menait une enquête sur Trump et son cercle restreint: le procureur spécial Robert Mueller. Il n'y a aucun doute: Trump vient de déclencher une crise constitutionnelle. L'avenir de cette démocratie dépend maintenant de notre réaction immédiate».

Les manifestations seraient ensuite prévues le jour même à midi ou à 17 h, selon le moment de l'annonce du congédiement. Les manifestants ont déjà créé des slogans sur mesure, comme «La loi et l'ordre pour qui ? Toujours pour moi, jamais pour toi».

Le procureur spécial Mueller, ancien patron de la police fédérale américaine (FBI), enquête sur une présumée collusion russe lors de l'élection présidentielle de 2016. Il a déjà procédé à ses premières arrestations et s'approche maintenant du cercle restreint du président. Ce qui fait dire aux partisans de Donald Trump que le procureur spécial n'est pas impartial, et qu'il dépasse les limites de son mandat initial. Certains craignent que le président limoge M. Mueller, ou qu'il entrave sérieusement son enquête.

Or, le président ne pourrait congédier lui-même M. Mueller, un haut fonctionnaire de la Justice: il devrait procéder à un remaniement et trouver dans son état-major quelqu'un qui serait prêt à exécuter ses ordres. Sa porte-parole Sarah Sanders dément inlassablement ce scénario, mais plusieurs demeurent sceptiques et s'inquiètent de l'État de droit.

«Je peux faire ce que je veux»

Des groupes de militants ont concocté des listes de personnes - parfois une centaine seulement - qui seraient prêtes à descendre dans la rue à quelques heures d'avis. Des gens qui, souvent, ne militaient pas en politique jusqu'ici, mais qui estimeraient que l'heure est grave et que le président des États-Unis d'Amérique ne peut faire toujours tout ce qu'il veut.

En congédiant le procureur Mueller, «le président outrepasserait ses pouvoirs (...) Comme s'il disait: »je peux faire ce que je veux«», estime Mindie Keller, une citoyenne de Pennsylvanie. «Ce n'est pas ce que nos pères fondateurs souhaitaient: ils ont mis beaucoup de temps à rédiger une Constitution, un système politique qui prévoit des contre-pouvoirs à ceux du président.»

Par ailleurs, si le président s'avisait de congédier le procureur spécial fédéral, l'enquête pourrait être reprise par le procureur de l'État de New York, un bastion démocrate mais aussi le siège de l'empire Trump. Dans une entrevue au «New York Times», le procureur général de l'État, Eric Schneiderman, a laissé entendre qu'il pourrait effectivement prendre la relève de Robert Mueller s'il devait être limogé, «afin que justice soit faite».

Pour éviter ces ennuis, certains alliés du président Trump lui conseillent plutôt d'adopter la méthode détournée - par exemple en graciant les inculpés, en coupant les vivres à l'enquête ou, comme le suggérait le Canadien Conrad Black, en procédant à un remaniement au sein de l'état-major du département de la Justice, puis en ramenant le mandat de l'enquête à la seule ingérence russe présumée. Mais selon certains juristes, le président pourrait alors être accusé d'entrave à la justice.

Plus cyniques, des adversaires de Donald Trump suggèrent la méthode indirecte: discréditer le procureur spécial Mueller, pour qu'il se «disqualifie» lui-même.