Sous pression du président américain Donald Trump, la majorité républicaine au Sénat a relancé jeudi sa tentative d'abroger partiellement la loi sur la couverture maladie signée par Barack Obama, «Obamacare». Mais des républicains menacent une nouvelle fois de torpiller l'initiative.

La réforme républicaine aurait dû être adoptée en juin, mais une révolte de sénateurs conservateurs, d'une part, et modérés, d'autre part, a forcé les chefs du Sénat à revoir leur copie. Dont acte jeudi avec le dévoilement d'une nouvelle mouture, avant l'ouverture des débats prévue la semaine prochaine dans l'hémicycle.

Ce nouveau texte accorde des concessions aux modérés sous la forme d'augmentation des aides publiques aux personnes achetant des assurances privées, et du maintien de taxes ou impôts de l'ère Obama sur les plus aisés, de façon à conserver des recettes cruciales pour financer le système de santé et notamment la couverture médicale publique des plus pauvres, Medicare. Les conservateurs ont également obtenu des amendements allégeant les réglementations existantes.

L'objectif est de tenir la promesse républicaine, répétée depuis sept ans et reprise par Donald Trump dans sa campagne victorieuse l'an dernier, d'abroger Obamacare, décrite comme une socialisation coûteuse de la médecine.

Problème, comme l'a confessé le sénateur républicain Pat Toomey la semaine dernière: «Je ne m'attendais pas à ce que Trump gagne, et mes collègues non plus».

En pratique, les républicains n'osent pas annuler d'un coup la grande réforme démocrate, qui a permis de réduire à un niveau historiquement bas le nombre d'Américains vivant sans assurance maladie (environ 10% des moins de 65 ans). Plus de 20 millions de personnes ont, grâce à un mélange d'aides publiques et de réglementations, pu accéder aux soins.

Le plan républicain prévoit donc d'abroger seulement quelques éléments de la loi, notamment l'obligation universelle de s'assurer, tout en donnant de la souplesse aux assureurs pour qu'ils puissent commercialiser des couvertures allégées et donc moins chères. 

«Très fâché» 

Mais leur plan devrait malgré tout conduire à un retour en arrière en termes de couverture, le nombre de non-assurés devant repartir à la hausse en raison de la baisse voulue du budget de la santé et de la suppression de garde-fous. Le Bureau du budget du Congrès (CBO) publiera son analyse de l'impact attendu la semaine prochaine, sans doute lundi.

D'ores et déjà, la sénatrice du Maine Susan Collins a annoncé qu'elle voterait non. «Je ne peux pas soutenir cela», a-t-elle déclaré.

C'est la quadrature du cercle pour les chefs de la majorité: chaque concession à l'aile droite provoque des pertes parmi les modérés, et inversement.

Les ultra-conservateurs, emmenés par Ted Cruz, ont obtenu un amendement qui rendrait facultatives des réglementations de l'ère Obama, une proposition inacceptable pour les sénateurs représentant des États qui ont le plus à perdre, par exemple le Maine ou l'Alaska, où l'accès aux soins en zones rurales est déjà difficile, malgré les subventions fédérales.

«Ce texte n'est pas une abrogation totale», a reconnu Ted Cruz. «Malheureusement nous n'avons pas les voix pour le faire, notre groupe n'étant pas uni. J'essaie donc d'obtenir le meilleur résultat possible».

Mais ce n'est pas suffisant pour son collègue ultra-conservateur Rand Paul, qui a annoncé qu'il voterait non. «Le nouveau plan n'abroge pas Obamacare», a-t-il regretté.

D'autres républicains modérés étaient indécis jeudi: si un seul autre s'opposait, le texte échouerait. Les républicains ont 52 sièges sur 100; il leur faudra au moins 50 voix pour passer, le vice-président ayant le droit d'apporter la 51e voix.

Les négociations continueront jusqu'au dernier moment pour tenter d'arracher une victoire. «Rien n'est inscrit dans le marbre», a souligné le numéro trois du groupe, John Thune.

Pour Donald Trump, le vote d'un texte, quel qu'il soit, est un impératif. Depuis son entrée en fonctions en janvier, aucune grande loi n'a été adoptée, alors que les républicains contrôlent tous les leviers du pouvoir à Washington, avec la Maison-Blanche et les deux chambres du Congrès.

En cas d'échec, «je serais très fâché», a-t-il dit mercredi lors d'une interview à la chaîne chrétienne CBN.