Le Congrès américain a rejeté mercredi un veto de Barack Obama sur une loi autorisant les proches de victimes du 11-Septembre à poursuivre l'Arabie saoudite, infligeant un cinglant camouflet au président qui s'était opposé au texte en invoquant la sécurité nationale.

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C'est la première fois en huit années au pouvoir que M. Obama voit son veto - il en a fait usage à 12 reprises - repoussé par les parlementaires qui doivent pour cela rassembler deux tiers des votes.

«C'est une erreur», a réagi Barack Obama, dénonçant sur CNN un «vote politique» de parlementaires qui jouent pour beaucoup leur réélection le 8 novembre.

Le Sénat dans un premier temps a voté à 97 voix pour entraver le veto, contre une seule voix soutenant l'initiative de Barack Obama, celle de Harry Reid, chef de la minorité démocrate à la chambre haute. Les élus de la Chambre des représentants se sont ensuite prononcés à 348 voix pour rejeter le veto et 77 voix soutenant le chef de l'État.

Barack Obama juge que ce texte affaiblirait le principe d'immunité qui protège les États (et leurs diplomates) de poursuites judiciaires et risquerait, par un effet boomerang, d'exposer les États-Unis à des poursuites devant divers tribunaux à travers le monde.

Ce texte «ne protégera pas les Américains d'attaques terroristes et n'améliorera pas non plus l'efficacité de notre réponse en cas de telles attaques», avait-il mis en garde dans une lettre adressée aux chefs démocrate et républicain du Sénat. En vain.

Le directeur de la CIA John Brennan a aussi estimé qu'un tel vote «aura de graves implications sur la sécurité nationale des États-Unis» et des conséquences pour «les employés du gouvernement qui travaillent à l'étranger».

Il «marque un dangereux précédent», a encore affirmé Barack Obama sur CNN, rappelant que le chef d'état major inter-armées américain, le général Joseph Dunford ainsi que le ministre de la Défense, Ashton Carter, estimaient également qu'il s'agissait d'une «mauvaise idée».

«Insulte» 

Quinze des 19 auteurs des attentats ayant fait près de 3000 morts étaient des ressortissants saoudiens. La responsabilité de l'Arabie saoudite, alliée des États-Unis, n'a cependant jamais été démontrée.

Mais les défenseurs du Justice Against Sponsors of Terrorism Act ont insisté sur la nécessité pour les proches de victimes de pouvoir réclamer justice. Ils estiment que la position de l'administration Obama est avant tout liée à la crainte de provoquer la colère de Riyad.

«Le veto du président Obama témoigne d'un profond mépris envers les familles des victimes du 11-Septembre», a de son côté accusé le parti républicain après le vote, se félicitant dans un communiqué que les élus aient «fait ce qu'il fallait faire en outrepassant sa mauvaise décision».

Le candidat républicain à la présidentielle Donald Trump «n'a jamais oublié l'impact tragique de cette journée et il s'assurera que ceux qui ont subi des pertes inimaginables puissent obtenir la justice qu'ils méritent», poursuit le parti.

L'ancien maire de New York et farouche défenseur de Donald Trump, Rudy Giuliani, a lui qualifié le veto de Barack Obama «d'insulte» envers les familles des victimes. Il a aussi dénoncé l'absence «honteuse» du colistier d'Hillary Clinton, le sénateur Tim Kaine, lors du vote alors que l'adversaire de M. Trump dans la course à la Maison-Blanche avait précédemment fait savoir par son équipe qu'elle aurait signé la loi.

Du côté démocrate, Chuck Schumer, sénateur de New York, a confié lors du vote qu'il ne prenait pas sa décision d'entraver le veto d'Obama «à la légère». «Cette loi est chère à mon coeur en tant que New-Yorkais, car elle offrirait enfin aux victimes du 11-Septembre un peu de justice.»

Le texte a d'ores et déjà provoqué une levée de boucliers dans les monarchies du Golfe qui entretiennent des relations tendues avec l'administration Obama à qui elles reprochent, entre autres, d'avoir réintégré l'Iran, grand rival chiite, dans le jeu diplomatique.

Devant les craintes pour la sécurité des États-Unis, un groupe de 28 sénateurs, démocrates et républicains, a écrit aux auteurs de la proposition de loi pour exprimer leur souhait «de travailler ensemble d'une manière constructive pour atténuer de façon appropriée les conséquences fortuites» de la loi.