Les protestations véhémentes d'un des accusés contre la saisie de lettres, de livres ou de papier toilette griffonné, et la colère visible du chef des tribunaux militaires ont donné jeudi un tour tendu à l'audience des accusés du 11-Septembre à Guantanamo.

«Au nom de Dieu, j'ai une chose importante pour vous», a lancé Wallid ben Attach, épaisse barbe noire, debout dans le tribunal.

Au dernier jour de cette audience préliminaire, retransmise sur la base militaire de Fort Meade (Maryland, est), ce Yéménite accusé d'avoir apporté un soutien logistique aux pirates de l'air du 11-Septembre, s'est levé de sa chaise pour protester contre la fouille de sa cellule et la disparition de courriers échangés avec ses défenseurs.

Cette fouille est intervenue au camp 7, le plus secret des camps de Guantanamo, en plein débat sur la protection des communications confidentielles des cinq accusés et de leurs avocats, alors qu'il a été établi que le gouvernement peut censurer les débats et dispose d'instruments d'écoutes.

«Vous m'avez forcé à venir au tribunal», s'est exclamé M. Ben Attach, vêtu d'une tunique blanche et d'une coiffe traditionnelle, avant d'être interrompu par le juge, qui lui a intimé de se taire sous peine d'expulsion.

Il est «furieux», a lancé son avocate Cheryl Bormann, qui a dénoncé la «mise à sac» de sa cellule et de celles de deux autres accusés, en leur absence.

«Les documents étaient estampillés» du service de contrôle de Guantanamo, et «les gardes les ont quand même saisis», a renchéri David Nevin, avocat du cerveau du 11-Septembre, le Pakistanais Khaled Cheikh Mohammed, dont la cellule a également été fouillée ainsi que celle du Yéménite Ramzi ben al-Chaïba.

«Les documents saisis ont semblé troublants» aux gardes, qui les ont confisqués lors d'une «inspection de routine pour des raisons de sécurité», a justifié ensuite George Massucco, l'un des juristes de la prison.

Parmi les documents retirés figurent des livres, dont le rapport de la commission du 11-Septembre, une recharge de stylo à encre, une photo de mosquée, des lettres de leurs avocats ou encore du papier toilette avec des mots griffonnés en anglais.

Surveillance très étroite

La plupart portent des tampons différents ou des signatures déjà anciennes qui ont «perturbé» les forces de sécurité, selon M. Massucco, qui a promis que les objets seraient restitués aux accusés.

Depuis plusieurs mois déjà, les conseils des accusés dénoncent les conditions dans lesquelles ils doivent défendre leurs clients, la surveillance très étroite de leurs courriers et de leurs rencontres avec leurs clients.

Pour les rassurer, le procureur Ed Ryan a proposé, en fin d'audience, que soient retirés les micros ressemblant à des détecteurs de fumée, installés dans les pièces où les accusés rencontrent leurs avocats. «Le plus tôt sera le mieux», a ordonné le juge.

Le ton est encore monté avec le témoignage par vidéo-conférence de l'Autorité supérieure de la justice militaire, l'amiral à la retraite Bruce MacDonald.

Questionnant sans relâche le haut responsable militaire, Walter Ruiz, l'avocat du Saoudien Moustapha al-Houssaoui, s'est efforcé de montrer que la défense n'avait pas bénéficié de ressources suffisantes pour plaider les circonstances atténuantes avant la mise en accusation de son client.

«Les preuves de torture et les techniques d'interrogatoire renforcées ne sont-elles pas des facteurs atténuants pour vous?», a lancé l'avocat, qui veut prouver que les mauvais traitements subis par les accusés, pendant leur détention dans des prisons de la CIA, doivent leur épargner la peine de mort.

«Vous aviez tout ce dont vous aviez besoin», a répondu, visiblement excédé, le patron des tribunaux militaires d'exception, qui a renvoyé les cinq accusés devant la justice en mai 2012.

Ils sont poursuivis pour le meurtre de près de 3000 personnes. La prochaine audience aura lieu du 22 au 26 avril pour préparer leur procès, qui ne s'ouvrira pas avant un an.