Un nouveau rapport accuse les États-Unis d'utiliser les drones au moment où des équipes de secours viennent aider des blessés ou que des familles tiennent des funérailles. Une controverse de plus pour un programme au coeur de la lutte antiterroriste de l'administration Obama.

Vous ne les verrez pas aux nouvelles des grands réseaux américains. Même les commentateurs de gauche ne s'y intéressent pas.

Les victimes des frappes de drones tombent dans un trou noir de l'information.

Les faits sont pourtant dérangeants: le programme d'assassinats ciblés, mis sur pied par l'administration Bush et repris et renforcé par l'administration Obama, a fait des centaines de victimes civiles au fil des ans.

Un nouveau rapport publié par le Bureau of Investigative Journalism, organisation à but non lucratif située à Londres, estime qu'entre 282 et 535 civils ont été tués au Pakistan seulement par des attaques de drones américains depuis l'arrivée au pouvoir de Barack Obama, il y a trois ans. Les victimes des attaques orchestrées dans d'autres pays n'ont pas été compilées.

«Au moins 260 attaques de drones Predator ou Reaper ont eu lieu au Pakistan depuis l'arrivée au pouvoir d'Obama. Cela correspond à une attaque tous les quatre jours», notent les auteurs de l'étude. Plus de 60 victimes étaient des enfants, selon les conclusions de l'organisation.

Le Bureau révèle «qu'au moins 50» des victimes ont été tuées juste après une première frappe, alors que les secours arrivaient sur les lieux pour venir en aide aux blessés. Plus de 20 civils seraient également morts lors de frappes survenues durant les funérailles des personnes tuées par des drones.

Les forces américaines ont été mises à la porte du Pakistan l'an dernier après que l'opération ayant tué ben Laden eut provoqué la colère du peuple pakistanais.

Dans une séance de questions-réponses diffusée la semaine dernière, le président Obama a défendu le programme d'utilisation des drones.

«Je veux être certain que les gens comprennent: dans les faits, les drones n'ont pas causé un grand nombre de victimes civiles. Dans la plupart des cas, ils ont été très précis dans les frappes contre Al-Qaïda et leurs associés.» Obama a dit que les frappes constituent «un effort précis et étudié qui vise les gens qui sont sur une liste de terroristes actifs».

L'usage des drones est revenu au premier plan, l'automne dernier, quand la Défense a annoncé avoir tué Anwar al-Awlaki, un citoyen américain qui a rejoint le jihad contre l'Amérique, en 2002.

Le New York Times a intenté une poursuite contre la Défense afin d'obtenir le mémo autorisant l'attaque contre al-Awlaki, survenue au Yémen. Ce mémo pourrait prouver que Washington a ordonné l'exécution extrajudiciaire d'un citoyen américain, et exposerait l'administration Obama à d'éventuelles poursuites.

Washington n'aborde pas publiquement la question de l'utilisation des drones. La semaine dernière, un officier de haut rang qui fait partie des équipes de lutte contre le terrorisme a dit au New York Times, sous le couvert de l'anonymat, que les gens qui critiquent l'usage des drones travaillent «contre les intérêts des États-Unis».

«Que les choses soient claires: des gens veulent peindre ces efforts sous un jour défavorable, et aider Al-Qaïda à parvenir à ses fins.»

L'usage de drones à l'extérieur d'une zone de guerre déclarée crée un précédent dangereux, note le Bureau of Investigative Journalism.

Celui-ci rappelle que «mis à part des alliés comme Israël, la Grande-Bretagne et la France, les pays qui possèdent des drones incluent la Chine, la Russie et le Pakistan. L'Iran a récemment mis la main sur un drone américain». Le Canada en utilise également en Afghanistan.

Encore cette semaine, un responsable de l'OTAN a confié au Washington Post que l'organisation achètera 13 drones Global Hawk, qui seront mis en service en 2015 et 2017. L'ère du drone est solidement lancée.