Troy Davis, un condamné à mort noir américain, comparaissait mercredi devant un tribunal pour une audience historique au cours de laquelle plusieurs témoins sont revenus sur leurs déclarations à charge, près de 20 ans après sa condamnation.

Âgé de 41 ans, Troy Davis est enfermé dans le couloir de la mort en Géorgie depuis 1991 pour le meurtre deux ans plus tôt d'un policier blanc à Savannah dans ce même État du sud-est des États-Unis.

Après avoir mené une bataille judiciaire acharnée et avoir échappé à trois dates d'exécution en moins d'un an, il a été autorisé par la Cour suprême en août à présenter devant un juge fédéral des éléments prouvant son innocence, une première depuis le rétablissement de la peine de mort aux États-Unis en 1976.

Illettrés, en prison, adolescent... des témoins à charge lors du procès ont, les uns après les autres, expliqué avoir menti à l'époque.

«Quand la police est arrivée, je leur ai dit que je pourrais à peine reconnaître le tireur», a raconté Antwan Williams, «j'avais peur, je ne pensais qu'à quitter les lieux». «Avez-vous relu le procès-verbal de votre déposition à la police ? Non monsieur, je ne sais pas lire», a ajouté celui qui à l'époque a montré Troy Davis du doigt, à la demande des autorités selon lui.

Kevin McQueen s'est souvenu avoir «inventé la confession» de Troy Davis qu'il a rencontré en prison peu après les faits, en août 1989. «Ca m'a servi, ils ont allégé ma peine», reconnaît-il aujourd'hui à la barre.

Face à ces témoins qui ont aidé l'accusation à l'envoyer dans le couloir de la mort il y a 19 ans, Troy Davis, 41 ans, n'a pas bougé. En uniforme blanc de prisonnier, sans menottes, il a écouté patiemment, échangeant parfois quelques réflexions avec ses avocats.

Dans la salle d'audience comble, devant laquelle des dizaines de personnes ont commencé à se presser dès 6H00 du matin afin d'être sûr d'avoir une place, la famille blanche de la victime, Mark McPhail, dont ses deux enfants, et les proches noirs du condamné étaient chacuns de leur côté.

«Je suis prête pour que justice soit rendue, l'exécution aurait déjà dû avoir lieu, je n'ai aucun doute sur sa culpabilité», a déclaré à l'AFP Kim Robertson, une amie de Mark McPhail. Pour elle, «la presse joue la carte du racisme mais ne dit pas la vérité».

Au moins un témoin, âgé de 16 ans à l'époque et menacé selon lui par la police d'être poursuivi pour complicité de meurtre, a pointé mercredi un autre homme - témoin à charge au procès en 1991. L'arme du crime n'a jamais été retrouvée, aucune preuve matérielle, trace ADN ou empreinte n'ont été relevées sur les lieux.

Quelques dizaines de militants d'Amnesty International et du NAACP, la principale organisation de défense des droits civiques des Noirs américains, étaient rassemblés devant le tribunal fédéral de Savannah pendant la tenue des audiences qui devaient se poursuivre au moins jusqu'à jeudi.

«Le tribunal a mis la barre très haut: il ne s'agit pas de montrer qu'il y a un doute suffisant sur sa culpabilité mais de prouver qu'il est innocent», a déclaré mardi à l'AFP le président d'Amnesty International pour les États-Unis, Larry Cox.

Les nouveaux témoignages entendus mercredi vont devoir convaincre le juge William Moore qui rendra ensuite ses conclusions à la Cour suprême.

La plus haute juridiction des États-Unis avait estimé que «le risque conséquent de mettre à mort un homme innocent justifie de manière évidente la tenue d'une nouvelle audience» mais n'avait pas dit si elle souhaitait se prononcer sur la constitutionnalité d'exécuter un innocent.