En exprimant publiquement leur opinion sur le conflit afghan, les responsables militaires américains ont mis leur propre commandant en chef Barack Obama dans l'embarras, à l'heure où le président doit annoncer sa nouvelle stratégie pour un pays miné par l'insurrection.

M. Obama a refusé d'accepter au pied levé une requête de ses généraux pour des renforts massifs, insistant sur le besoin de revoir en détail la stratégie appliquée en Afghanistan avant toute décision.

Mais alors qu'un conseil de guerre se déroule à huis clos à la Maison Blanche depuis plusieurs jours, les plus hauts responsables militaires ont fait savoir haut et fort que sans présence massive sur le terrain, la mission en Afghanistan risquait d'échouer.

«Ils veulent s'assurer que tout le monde sera au courant de ce qu'ils ont demandé au cas où cela tournerait mal», explique à l'AFP l'ancien sous-secrétaire à la Défense Lawrence Korb.

Si M. Obama décide de changer d'approche en Afghanistan ou décline une demande de renforts, il ira donc à l'encontre de la volonté de son armée, ce qui augmente le risque politique pour lui.

Les commentateurs de gauche affirment que les militaires devraient garder leurs conseils pour eux et ne pas essayer d'influencer le débat public, le chroniqueur du New York Times Frank Rich accusant par exemple les généraux de vouloir «coincer» le président sur l'Afghanistan.

Selon M. Korb, le gratin militaire veut éviter de rééditer l'expérience irakienne, quand ils s'étaient inclinés face aux demandes de George W. Bush d'envoyer une force d'invasion restreinte, un choix aux conséquences désastreuses.

Les responsables militaires misent désormais sur une stratégie de contre-insurrection qui requiert le déploiement d'un grand nombre de soldats pour garantir la sécurité de la population et gagner sa confiance.

Mais alors que le bilan des victimes s'alourdit, avec la mort de huit soldats américains samedi, et que l'insurrection se renforce, certaines voix s'élèvent au Congrès et à la Maison Blanche pour geler ou même réduire le volume du contingent américain de quelque 65 000 soldats.

Or le commandant en chef des forces américaines et internationales en Afghanistan, le général Stanley McChrystal et ses supérieurs rejettent de telles options.

«On ne peut espérer contenir un incendie en laissant simplement la moitié du bâtiment brûler», a dit le général McChrystal à l'hebdomadaire Newsweek.

Les plus hauts responsables militaires ont publiquement exprimé leur soutien à l'approche prônée par McChrystal dans un rapport remis récemment au président, et fondée sur l'envoi de renforts.

A l'heure actuelle, le débat sur la stratégie oppose principalement les faucons, qui veulent qu'Obama se conforme au plus vite aux exigences de ses généraux, à ceux qui agitent le spectre d'un nouveau Vietnam.

Selon le sénateur républicain John McCain, se contenter d'attendre que les forces afghanes soient formées serait une stratégie vouée à l'échec.

«On a déjà vu le film. Ca n'a pas marché en Irak et ça ne marchera pas en Afghanistan», assure-t-il.

En attendant, certains membres de l'administration se sont plongés dans un ouvrage consacré à la guerre du Vietnam, «Lessons in disaster» (Les leçons d'un désastre). L'auteur, Gordon Goldstein, y suggère que le président John Fitzgerald Kennedy aurait refusé s'il avait été encore en vie d'envoyer des unités de combat dans le pays.

«C'est peut être l'instant JFK d'Obama», écrit George Packer du New Yorker sur son blog. «Nous le saurons dans quelques semaines».