La scène se passait il y a deux ans, presque jour pour jour, et demeure à ce jour l'unique heure de gloire politique de Cecilia Sarkozy, ex-femme de l'actuel président de la France.

Après un marathon de négociations avec les autorités libyennes, celle-ci est accueillie en héroïne à sa descente d'avion, à Sofia, où elle arrive accompagnée de cinq infirmières bulgares et d'un soignant palestinien, tout juste arrachés aux geôles de Tripoli.

 

Quelques mois plus tard, c'est Nicolas Sarkozy lui-même qui dépêche un avion médical vers la Colombie pour tenter de sauver la plus célèbre des otages des FARC, Ingrid Betancourt. L'opération se terminera en queue de poisson.

Cette semaine, l'ex-président américain Bill Clinton a eu plus de chance en réussissant à ramener deux journalistes américaines accusées d'espionnage par la Corée du Nord.

Y a-t-il un lien entre ces trois opérations? Ou s'agit-il d'un nouveau rôle pour les politiciens et leurs proches: voler personnellement au secours de prisonniers détenus injustement à l'autre bout du monde?

Selon le politologue canadien Andrew Cooper, ces trois opérations de sauvetage, malgré leurs résultats inégaux, appartiennent au même courant: le rôle de plus en plus important joué par les célébrités dans la diplomatie internationale.

Ça peut être Mia Farrow qui s'engage pour le Darfour. Mais ça peut aussi être un ex-président ultra-médiatique qui va tirer des journalistes d'une prison de Pyongyang.

Andrew Cooper a écrit un livre sur le rôle diplomatique des célébrités. Selon lui, si la diplomatie s'exerçait autrefois uniquement dans les coulisses, aujourd'hui, elle repose souvent sur la combinaison de deux éléments. D'un côté, les tractations obscures habituelles. De l'autre, l'entrée en scène d'une méga-star qui cueille les fruits de ce processus.

Quand ce mariage fonctionne, tout le monde y gagne. En posant aux côtés de Bill Clinton, le leader nord-coréen Kim Jong-il gagne de la crédibilité, note Gil Troy, historien à l'Université McGill. Bill Clinton s'affirme dans un nouveau rôle en se refaisant une virginité politique. Et enfin, le succès de l'opération rejaillit forcément sur le président Barack Obama. Bref, tout le monde est content, sans oublier les deux journalistes et leur famille...

Mais la tentation de jouer les Superman peut aussi faire boomerang. Les circonstances de la libération des infirmières bulgares ont donné lieu à toutes sortes de spéculations, y compris l'hypothèse d'une promesse de vente d'armes à la Libye. Encore aujourd'hui, il reste bien du flou dans cette histoire.

Il y a deux semaines, le nouveau premier ministre bulgare a accusé son prédécesseur de s'être fait racketter en versant plus de 70 millions de dollars pour faire libérer ces femmes, alors que, officiellement, la Bulgarie s'était contentée d'effacer la dette libyenne. Avant de jouer les Indiana Jones, les étoiles de la politique internationale ont donc intérêt à s'assurer que l'aventure dans laquelle elles se lancent est bien ficelée.

Mardi, dans une pleine page du New York Times, des dizaines de grands noms de la littérature et du journalisme ont signé une pétition réclamant la libération du Canadien Maziar Bahari. Correspondant du magazine Newsweek, cinéaste et écrivain, ce dernier a la double nationalité canadienne et iranienne. Il est détenu depuis six semaines à Téhéran.

Une autre journaliste canadienne, Amanda Lindhout, kidnappée il y a un an en Somalie, a supplié cette semaine Ottawa de verser la rançon réclamée par ses ravisseurs.

Leurs situations sont évidemment différentes. Et selon la section canadienne de Reporters sans frontières, Ottawa fait tout son possible pour leur venir en aide. N'empêche: on se prend à rêver à un Bill Clinton made in Canada.