Son nom l'indique: chez Ben's Chili Bowl, le chili est roi! On en vend des bols, bien sûr. Mais on peut aussi en commander dans un hot-dog, dans un burger, dans un sous-marin ou sur des frites.

Ce temple de la restauration rapide occupe depuis 1958 les locaux d'un ancien cinéma sur U Street, dans un quartier de Washington jadis pauvre et dangereux mais aujourd'hui en plein essor.

 

Cela dit, on imagine mal George W. Bush se balader dans ce quartier. Comme on l'imagine mal commander un Chili Half-Smoke -une sorte de hot-dog gonflé aux stéroïdes et épicé- chez Ben's Chili Bowl.

C'est pourtant ce que Barack Obama a fait il y a une dizaine de jours, lors d'une de ses premières sorties publiques en 2009 à Washington pour casser la croûte. Une simple opération de relations publiques, direz-vous. N'empêche, elle a valeur de symbole.

Il y a quelques années, lorsque j'étais correspondant à Washington pour La Presse, j'ai visité ce resto pour en déguster les spécialités dont on vante les mérites depuis des décennies. Il était alors presque vide. Mais tout ce que touche Obama continue de se transformer en or... Hier, la queue pour y entrer s'étirait sur des dizaines de mètres. Du jamais vu.

Et pour tous ceux qui faisaient le pied de grue, le fait qu'Obama fréquente lui aussi ce restaurant prouve une fois de plus à quel point il est proche des préoccupations de l'Américain moyen.

«Ça démontre qu'il est celui qu'il dit être. Qu'il est authentique et qu'il a les deux pieds sur terre. Et qu'il représente tout le monde», a lancé Melody Lewis, une Californienne en ville pour la cérémonie d'investiture.

«Les administrations républicaines étaient là uniquement pour les républicains. Uniquement pour l'élite. La sienne sera inclusive. Elle ne sera pas réservée à l'élite», a renchéri l'amie qui voyage avec elle, Joyce Ivy.

Dans une bulle

On n'a jamais senti George W. Bush à l'aise à Washington. Ce Texan républicain s'est presque terré à la Maison-Blanche pendant huit ans. Il a donné l'impression de vivre dans une bulle. Isolé. Ce qui se transposait bien sûr dans ses politiques.

Barack Obama -qui a aussi été vu récemment en train de jouer au basketball dans le quartier voisin d'Adams Morgan- est déjà en train de faire comprendre aux habitants de Washington que la période où le président restait enfermé dans la Maison-Blanche est révolue.

Le temps où le président et ses conseillers, Karl Rove en tête, divisaient les Américains pour régner semble aussi être de l'histoire ancienne. Obama prêche l'unité et a tendu la main à bon nombre de républicains pour les festivités en cours à Washington. Il a même tenu à organiser un souper pour rendre hommage à John McCain, son ancien rival.

Ce changement de style et de ton à la Maison-Blanche devrait se confirmer et se prolonger au cours des prochaines semaines.

Le sénateur démocrate n'est pas encore officiellement président, mais sa méthode a déjà porté ses fruits. L'état d'esprit des habitants de Washington aussi, a changé. Celui de nombreux Américains également. Les gens croisés ici transpirent l'optimisme et rêvent d'unité.

Se serrer les coudes

Des amis de Washington, contactés au cours des derniers jours, confirment ce changement. «J'ai remarqué que les gens se serrent plus les coudes. Les républicains qui, normalement, dénigrent les démocrates, ont cessé de le faire, indique Angela, étudiante en droit rencontrée il y a quelques années.

David, qui travaille dans un institut de recherche de la capitale, me dit avoir l'impression que les gens «veulent maintenant travailler ensemble pour faire avancer les choses». Ce qui n'était pas le cas sous George W. Bush, rappelle-t-il. Principalement parce que le président républicain et ses troupes préféraient se débrouiller seuls et prenaient des décisions en vase clos.

Dans l'avion qui me conduisait hier à Washington, je relisais des articles du regretté journaliste Philip Hamburger afin de me préparer à couvrir la cérémonie d'investiture d'aujourd'hui. Ces événements festifs et souvent grandioses passionnaient ce reporter. En 65 ans au New Yorker, il en a couvert 14.

«Les cyniques n'y croient pas, mais il y a des moments où l'espoir est palpable», a-t-il écrit en 1993, après avoir assisté à la cérémonie d'investiture de Bill Clinton. Celle de Barack Obama n'est même pas commencée que Washington vit déjà un de ces trop rares moments.