L'approche aérienne des Maldives offre une vue panoramique d'eaux azur et d'îles bordées de coraux, mais à l'atterrissage, des volutes de fumée révèlent également un désastre environnemental.

L'île de Thilafushi, à une demi-heure en bateau de la capitale Malé, est entourée comme ses voisines d'eaux cristallines et de sable blanc qui ont rendu célèbre l'archipel comme destination privilégiée pour les voyages de noces des touristes les plus fortunés.

Mais aucun vacancier n'y met les pieds et aucun n'imagine que la fumée qui s'en échappe provient des ordures accumulées par les touristes et les autochtones auxquelles Fusin et d'autres ont mis le feu.

Immigré venu du Bangladesh, il est l'un des employés de «l'île poubelle», la plus vaste décharge du pays, et est payé 350 $ par mois pour 12 heures de travail par jour, sept jours sur sept.

Sans autre équipement de sécurité que des chaussures à coquille en métal, il se hisse sur une montagne de déchets, les yeux larmoyants et la voix étranglée par quatre ans d'exposition aux fumées toxiques.

Des bouteilles de bière - interdites aux musulmans de l'archipel, mais largement proposées aux touristes - s'accumulent noircies à côté de piles de formulaires pour des transferts par bateau. Non loin un masque de plongée attire l'attention de Fushin au milieu d'un tas de cartons de jus de fruit, de sacs en plastique et de légumes avariés.

«Avant nous séparions le papier du carton, mais l'entreprise n'en a plus les moyens», explique le gérant du site, Islam Uddin, en poste dans la décharge depuis 16 ans.

Il déplore la négligence des gouvernements successifs et regrette que la privatisation conclue en 2008 avec un groupe de gestion de déchets indo-allemand n'a eu comme résultat que de créer des soubresauts politiques.

Seuls les bouteilles en plastiques, les moteurs à essence, les métaux et les papiers sont triés et envoyés en Inde, ce qui constitue le plus gros volume d'exportation des Maldives vers son voisin.

Tout le reste, dont les déchets électroniques et les piles, part en fumée, et l'incinérateur haute technologie promis lors de la privatisation reste une chimère.

L'océan pollué

«Les piles contiennent du plomb. Il y a également des produits avec du mercure. Tout cela peut facilement se retrouver dans la chaîne alimentaire», dénonce Ali Rilwan, un militant de l'ONG écologiste locale, Bluepeace Maldives.

Tandis qu'il parle, des vagues viennent lécher le bord de la déchetterie qui s'étend rapidement vers la mer depuis 1993, mais également en hauteur, formant l'un des points culminants de l'archipel.

Le militant cite les chiffres du gouvernement selon lequel, chaque visiteur génère 7,2 kg de déchet par jour, contre 2,8 kg pour les habitants de Male. Les 1 million de touristes annuels représentent trois fois le nombre de résidents de l'archipel.

Les autorités assurent qu'elles vont arrêter de brûler les déchets et que l'opérateur privé va commencer la construction d'un incinérateur.

Le ramassage à domicile des ordures dans la capitale et le recyclage va permettre d'améliorer la situation, ajoute un conseiller municipal de Malé, Ahmed Kareem.

«Le projet en cours prévoit une surveillance de la pollution aérienne et de la mer près de l'île de Thilafushi et il n'y aura aucune extension de la déchetterie», a-t-il dit à l'AFP.

Le gérant de la décharge espère avoir de nouveaux engins pour déplacer et trier plus facilement les ordures. Des pelleteuses cassées et de bulldozers s'accumulent juste à côté.

Derrière lui se dresse une rangée de palmiers dont s'est débarrassé un hôtel, plantés de façon incongrue pour tenter d'embellir les lieux.

Leur tronc est noirci et les feuilles manquent. «Ils sont morts», explique le responsable du site.