Si la tendance se maintient, le réveil risque d'être difficile pour les Québécois en 2040, alors que le gouvernement du Québec s'obstine à vouloir protéger la biodiversité dans le Nord et à ignorer le Sud, là où les enjeux sont pourtant les plus criants et où les changements climatiques auront des impacts importants pour plusieurs grandes villes.

Dans son dernier rapport annuel, publié hier, la Société pour la nature et les parcs (SNAP) invite le gouvernement du Québec à accroître et à accélérer ses efforts afin de protéger 17 % de son territoire terrestre d'ici 2020. Du même souffle, la SNAP Québec dénonce « l'attitude et les agissements du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) qui mettent en péril l'atteinte de l'objectif de 17 % de protection du territoire au Québec ».

Dans un reportage paru hier, Le Journal de Montréal a révélé que le MFFP privilégie la création d'aires protégées dans le nord plutôt que dans le sud du Québec. La Presse a pu consulter un document de travail du Ministère daté du 29 août 2016 qui indique qu'« il apparaît acceptable que le réseau d'aires protégées soit moins développé au Sud et qu'il soit davantage concentré au Nord, dans les zones moins utilisées par l'homme ».

BIODIVERSITÉ À RISQUE DANS LE SUD

Selon la SNAP, « ce document présente une stratégie visant à freiner la création d'aires protégées dans 11 régions administratives, et à reléguer la quasi-totalité des nouvelles aires protégées dans les seules régions de la Côte-Nord et du Nord-du-Québec ».

Or, c'est dans le sud de la province que la biodiversité est plus à risque, en raison notamment de l'étalement urbain. De nombreuses espèces fauniques et floristiques sont menacées de disparition. Milieux humides et couverts forestiers sont aussi mis à mal dans plusieurs municipalités.

L'enjeu est de taille et a récemment pris une tournure juridique. Le 22 juin dernier, la Cour fédérale a tranché qu'un décret d'urgence (fédéral) pour protéger une espèce en péril (la rainette faux-grillon) n'était pas anticonstitutionnel et que le droit de propriété n'était pas absolu lorsqu'il était question de protéger l'environnement. La décision sera portée en appel et risque fort d'être entendue par la Cour suprême.

ENJEUX IMPORTANTS ET ÉTROITEMENT LIÉS

La création d'aires protégées et la protection de la biodiversité retiennent moins souvent l'attention que le sujet des changements climatiques, mais ces enjeux sont tous intimement liés.

« La mise en place d'aires protégées est un moyen efficace de simultanément protéger la biodiversité, lutter contre les changements climatiques, offrir un accès nature aux citoyens et favoriser la diversification économique des régions, indique Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la SNAP Québec. Notre rapport illustre bien qu'il y a actuellement un monde de possibilités pour faire progresser le bilan d'aires protégées et on serait fou de s'en priver. »

Avec 10,2 % de son territoire protégé, le Québec est actuellement au huitième rang des provinces canadiennes en matière d'aires protégées.

Photo André Pichette, Archives La Presse

Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la SNAP Québec