Le ministère de l'Environnement du Québec a le droit d'imposer certaines conditions à une entreprise qui désire détruire un milieu humide. Mais peut-être pas d'exiger des «compensations» sous forme de terrains à être conservés.

C'est ce qui ressort d'une décision de la Cour d'appel rendue le 18 octobre.

Le tribunal annule en partie un jugement de la Cour supérieure de mars 2012 en faveur de l'entreprise Les Atocas de l'Érable.

Deux des trois juges ayant siégé dans cette cause confirment qu'un ministère peut se donner des directives qui l'aident dans sa prise de décision, sans que ces directives aient une force obligatoire.

Dans ce litige, la directive attaquée énonçait qu'avant d'autoriser une entreprise à détruire un marais, un marécage ou une tourbière, le ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) pouvait exiger que celle-ci fasse la preuve que la destruction ne pouvait être évitée et qu'elle était minimisée.

Cependant, observe Me Robert Daigneault, avocat spécialisé en environnement, la Cour d'appel ne va pas jusqu'à confirmer que le Ministère peut aussi exiger des «compensations» des entreprises qui demandent un certificat d'autorisation pour détruire un milieu humide.

Une question théorique

«Deux des trois juges ne se prononcent pas là-dessus», dit-il. De son côté, la juge en chef Nicole Duval-Hesler souligne que le gouvernement a reconnu au cours des procédures que «le ministre ne pouvait légalement rendre l'émission de son certificat conditionnelle à une compensation».

Cependant, l'épineuse question des compensations, dénoncée par les entreprises, est devenue théorique.

En effet, en 2012, dans la foulée du jugement de la Cour supérieure, le gouvernement libéral avait fait adopter en catastrophe une loi qui validait rétroactivement toutes les mesures de compensation exigées des entreprises depuis des années.

Cette même loi donnait pour l'avenir au MDDEFP le pouvoir d'exiger des compensations.

Mais l'effet de la loi était limité à deux ans, le temps que la réglementation soit précisée.

La voie à suivre se précise

Le nouveau jugement de la Cour d'appel indique donc la voie à la réforme de la protection des milieux humides envisagée par le ministre Yves-François Blanchet.

Et avec ce nouveau jugement, le pouvoir d'intervenir pour protéger la nature est de nouveau renforcé, estime Me Jean-François Girard, du Centre québécois du droit de l'environnement. «Ça fait plusieurs décisions de la Cour d'appel dans cette ligne, dit-il. Ce jugement vient rappeler que la protection de l'environnement est une valeur cardinale et que l'État a le pouvoir d'agir.»