Le Canada ne pourra jamais atteindre ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2020 s'il ne met pas sur pied un système national de quotas et d'échange.

Ce système unique permettrait d'établir une fois pour toutes un prix pour le carbone au pays et forcerait les industries et les ménages canadiens à modifier leurs habitudes de consommation et à réduire les émissions de GES, affirme la Table ronde nationale pour l'environnement et l'économie (TRNEE) dans un important rapport publié hier.

En vertu de ce système, le gouvernement fédéral imposerait une limite sur la quantité d'émissions de GES permise par une entreprise ou une usine dans chaque secteur d'activité de l'économie. Si une entreprise devait dépasser cette limite, elle devrait acheter des crédits d'une autre entreprise ayant réussi à réduire ses émissions. Un tel système, qui devrait être créé au plus tard d'ici 2015, forcerait le marché à établir un prix pour le carbone, selon l'offre et la demande.

Cette mesure obligerait en outre les entreprises à investir dans les technologies vertes, ce qui leur permettrait d'innover davantage dans le but de réduire leurs émissions.

Le Canada a tout avantage à se doter d'un tel système, comme le proposait d'ailleurs le NPD de Jack Layton aux dernières élections fédérales, puisque l'administration de Barack Obama aux États-Unis est en train d'échafauder un système national de quotas et d'échange.

"La création d'un tel système est le seul moyen pour le Canada d'atteindre ses objectifs en matière de réduction des émissions, et ce, aux moindres coûts économiques", a affirmé Bob Page, le président de la TRNEE, en expliquant les grandes lignes du rapport.

À l'heure actuelle, chaque province fait un peu ce que bon lui semble pour tenter de réduire les émissions de GES. À titre d'exemple, quatre provinces - le Québec, l'Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique - ont décidé de joindre six États de l'Ouest américain, dont la Californie, pour créer la Western Climate Initiative (WCI), un système de quotas et d'échange dont le lancement de la première étape est prévu le 1er janvier 2012.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Barack Obama, le gouvernement Harper a exprimé le souhait de participer à un système de quotas et d'échange nord-américain. Toutefois, le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, a admis récemment qu'Ottawa attendait de connaître les politiques américaines de la nouvelle administration avant de préciser quelles mesures d'harmonisation comptait prendre le gouvernement canadien.

À l'échelle nationale, le gouvernement Harper a souvent été accusé par les trois partis de l'opposition ainsi que les groupes écologistes de se traîner les pieds dans la lutte contre les changements climatiques.

Selon la TRNEE, le Canada ne peut se permettre de continuer à adopter des politiques environnementales fragmentées, comme c'est le cas en ce moment. Reporter à plus tard la création d'un système unique de quotas et d'échange risque de faire grimper davantage la facture totale de la lutte contre le réchauffement de la planète.

Pis encore, cela pourrait rendre les entreprises canadiennes moins concurrentielles sur le marché nord-américain, selon Bob Page, d'autant que les États-Unis semblent vouloir adopter rapidement un système de quotas avant la fin de l'année, du moins avant la tenue de la prochaine conférence sur les changements climatiques, prévue en décembre à Copenhague.

"La politique de prix pour le carbone que nous proposons pour le Canada est responsable, raisonnable et réaliste", a soutenu David McLaughlin, président et premier dirigeant de la TRNEE. Il a convenu qu'une telle mesure entraînera une hausse du prix de l'essence d'environ 21 cents le litre d'ici 2020.

Le Canada est l'un des plus importants émetteurs de GES par habitant de la planète. En 2006, les émissions totales de GES du Canada étaient de 721 mégatonnes, soit 22,1 tonnes par habitant. À titre de comparaison, le Suédois moyen produit sept tonnes, soit trois fois moins qu'un Canadien moyen.

Après avoir rejeté les objectifs du protocole de Kyoto, le gouvernement Harper a fixé de nouveaux objectifs pour le Canada: ramener les émissions de GES à un niveau de 20% inférieur à celui de 2006 d'ici 2020 et les réduire de 60% d'ici 2050.