Victimes des filets de pêche, des hameçons et de la pollution des océans, les tortues marines sont menacées à long terme par le réchauffement climatique, qui pourrait provoquer l'extinction des mâles.

Le sexe des tortues marines, comme celui de nombreux reptiles, n'est pas déterminé génétiquement à la conception mais dépend de la température d'incubation des oeufs durant une période bien précise, correspondant au deuxième tiers du développement de l'embryon.

«Au-dessus de 29 degrés, cela donne des femelles, et au-dessous, des mâles», a expliqué à l'AFP Jacques Fretey, qui codirige le groupe d'experts sur les tortues marines à l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

«Avec le réchauffement climatique, on risque à coup sûr de se retrouver avec une féminisation des populations mondiales de tortues marines. Cela veut dire que les mâles vont disparaître», et avec eux les huit espèces encore présentes à la surface du globe, prédit l'expert.

L'élévation du niveau des mers provoquera aussi l'inondation d'un grand nombre de plages qui servent de sites de ponte.

A plus court terme, les tortues marines sont menacées par les grands filets dérivants et les hameçons utilisés notamment pour la pêche à la palangre du thon. Pour cette dernière technique, l'usage de hameçons rond permet toutefois de réduire les prises accidentelles.

Une meilleure connaissance des routes migratoires de tortues, grâce notamment au suivi satellite des balises Argos implantées sur certains individus, pourrait aussi permettre la mise en place de zones protégées.

«Ce sont tous les pays d'une région qui doivent s'impliquer, car ce sont des animaux migrateurs», souligne Douglas Hykle, qui dirige à Bangkok le secrétariat du Protocole d'accord pour la protection des tortues marines dans l'océan Indien (IOSEA), signé par 30 pays.

Un problème tout aussi grave est celui de la pollution des océans par des déchets qui peuvent être transportés sur de très longues distances par les courants marins et s'accumuler en certains endroits.

Les tortues «confondent les plastiques ou les polystyrènes avec leurs proies habituelles», relève M. Fretey. Ces proies, par exemple les méduses, dérivent et s'accumulent parfois aux mêmes endroits que les déchets, comme au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Au lieu de se nourrir, les tortues avalent des sacs, des emballages ou des préservatifs et meurent d'occlusion intestinale. A cause de leur vulnérabilité, «les tortues marines sont un bon bio-indicateur de la santé du milieu marin», souligne M. Fretey.

Tous ces problèmes étaient abordés dans le cadre d'un colloque organisé de mercredi à vendredi au Muséum d'histoire naturelle à Paris, la France disposant grâce à ses dépendances ultramarines du deuxième espace maritime mondial et de l'un des plus grands espaces pour la reproduction de ces espèces menacées.

Les tortues marines sont plus difficiles à observer et donc moins bien connues que leurs cousines terrestres, notamment en ce qui concerne leur longévité. On sait néanmoins qu'une espèce comme la tortue verte n'arrive à maturité sexuelle qu'à 50 ans. «Cela veut dire qu'il faut des milliers d'oeufs pour arriver à une tortue femelle qui va arriver à se reproduire», explique encore l'expert de l'UICN.

Aussi, malgré des progrès très significatifs dans la lutte contre le braconnage et la mise en place de parcs marins, comme prochainement à Mayotte, la survie des tortues marines est loin d'être assurée. «On fait tout pour que ne soit pas un combat perdu d'avance, mais ce n'est pas facile», reconnaît M. Fretey.