L'intervention pour colmater la fuite du puits de Talisman à Leclercville fait partie du cours normal des opérations gazières, selon Michael Binnion, président de Questerre.

Il ne faut pas y voir un signe que l'industrie «perd le contrôle», au contraire.

«Une perte de contrôle, c'est une explosion, c'est ce qu'on a vu malheureusement dans le golfe du Mexique, dit M. Binnion. Ce que je vois au Québec, au contraire, c'est des contrôles qui marchent bien, avec des inspections et des interventions.»

Il reconnaît toutefois que l'industrie se heurte à une méfiance peu commune au Québec. «Les gens remettent en question jusqu'aux plus petits détails de nos activités, dit-il. Ils mettent en doute l'épaisseur et la solidité de l'acier, alors que tout repose sur des standards et des critères d'ingénierie qui se sont perfectionnés pendant des décennies.»

Il affirme que, en prenant le temps de bien expliquer le fonctionnement de l'industrie, son entreprise est parvenue à mettre en place son projet de levés sismiques à Saint-Édouard. «Nous avons passé 3 mois à communiquer avec les 500 propriétaires, que nous avons rencontrés un par un et aussi en groupe. Et nous avons eu du succès. Au départ, 30% des gens étaient d'accord pour nous donner accès à leur terrain et, à la fin, ils étaient 90%. Cela ressemble aux taux d'approbation que nous obtenons dans l'Ouest.»

De son côté, Dave Pépin, vice-président et chef des finances de Junex, continue de croire que «la découverte d'aussi importantes ressources gazières est une excellente nouvelle pour le Québec».

«L'industrie gazière, comme toutes les activités industrielles, comporte des risques qui doivent être gérés et encadrés par une législation serrée, dit M. Pépin. Nous croyons pouvoir le faire au Québec comme partout ailleurs dans le monde. À cet égard, nous attendons les recommandations du BAPE, qui, à notre avis, fait un exercice rigoureux et qui, nous l'espérons, apportera un éclairage indépendant sur le dossier.»

Les opposants se réjouissent

Les opposants à l'implantation de l'industrie gazière se sont réjouis du «changement de ton salutaire» du gouvernement Charest, vendredi.

«On vient de voir un virage à presque 180° du gouvernement, dit André Bélisle, de l'Association québécoise de lutte à la pollution atmosphérique (AQLPA). Au moins, on n'écarte plus le moratoire. On est très fiers de la mobilisation populaire. Le gouvernement a maintenant un devoir de résultat, et la population va demeurer vigilante.»

Le directeur de Nature Québec, Christian Simard, en a profité pour exiger une «commission indépendante» sur le sujet: «On ne peut pas s'engager dans une affaire de 5000 à 20 000 puits dans la vallée du Saint-Laurent sans en avoir un examen complet.»

Il condamne l'approche de l'industrie, qui fonctionne par «essais et erreurs» selon lui. Il exige aussi des «rapports quotidiens» de l'intervention à Leclercville.

Manque de stratégie, manque de vision, improvisation, le gouvernement Charest est en train de miner la confiance des investisseurs au Québec, et pas seulement dans le domaine gazier.

C'est ce qu'a affirmé vendredi Françoise Bertrand, de la Fédération des chambres de commerce du Québec, après avoir entendu le ministre Arcand et le premier ministre Charest hausser le ton dans le dossier du gaz de schiste.

«Il n'y a pas eu de processus clair, on dirait qu'on improvise, dit Mme Bertrand. Pour que les entreprises soient intéressées au Québec, il faut de la prévisibilité. On ne peut pas changer nos orientations au gré des oppositions.

«C'est comme si on avait improvisé, dit-elle. C'est comme si on n'avait pas réalisé qu'on ne peut pas s'installer dans la cour des gens sans faire beaucoup de pédagogie.»

Selon elle, laisser planer la menace d'un moratoire, c'est «le dernier de signal à donner». «Qu'on veuille ralentir et qu'on ne donne pas de nouveau permis d'exploration avant d'avoir le rapport du BAPE et d'avoir réformé la loi sur mines pour avoir un régime conforme au XXIe siècle, d'accord, mais on n'aime pas l'idée du mot moratoire. Pour en revenir, il faut une démonstration qui n'en finit plus.»