La vidéo a fait le tour du monde cette semaine: l'explorateur norvégien Ragnar Thorseth qui sert des tartines de saumon fumé à un ours polaire à bord de son navire, lors d'une expédition dans l'archipel du Svalbard.

La biologiste Christine Gagnon, qui s'occupe des ours polaires au Zoo sauvage de Saint-Félicien, a frémi en voyant ces images.

«La pire chose qu'on peut faire pour un animal sauvage, c'est de faire en sorte qu'il associe l'humain à une source de nourriture», dit-elle. Un message souvent répété, mais mal compris par le public qui fréquente les parcs nationaux.

Le parc du Mont-Tremblant est aux prises avec des loups qui s'approchent de plus en plus des humains parce que des campeurs nourrissent leurs proies, les cerfs de Virginie.

Et dans bien des parcs, les agents de la faune doivent capturer des ours noirs pour les éloigner des campings où ils trouvent trop souvent de la nourriture.

«Un trait des animaux sauvages est leur lutte de tous les instants pour se nourrir, dit Claude Pelletier, biologiste au parc national des Monts-Valin. Dès qu'on leur fournit une source de nourriture artificielle, on change leur comportement. Ils s'attachent très fortement à cette nouvelle source.»

Plus grave encore, en nourrissant un animal sauvage, on le condamne souvent à mort.

«Le gros problème, c'est que les animaux se retrouvent dans notre entourage, dit M. Pelletier. Ils perdent leur crainte naturelle de l'homme et prennent plus de risques. Ces animaux doivent être déplacés ou si c'est trop problématique, ils doivent être abattus. On a des protocoles pour faire en sorte que l'animal ne soit jamais familiarisé, mais c'est plus facile à prévenir qu'à corriger.»

C'est aussi vrai avec l'ours polaire, le plus grand prédateur terrestre de la planète. Le Zoo de Saint-Félicien en a quatre, dont deux bébés nés l'an dernier.

L'ours blanc est déjà susceptible d'attaquer l'humain, mais s'il croit en plus trouver chez l'homme une source facile de nourriture, il devient encore plus dangereux et plus susceptible d'être abattu.

«Nous, jamais on n'a de contact direct avec les ours, dit Mme Gagnon. Le gardien dépose de la nourriture dans des tiroirs dans l'enclos de nuit avant leur entrée.»

Elle affirme que les mêmes précautions sont prises à Churchill, au Manitoba, capitale mondiale d'observation des ours blancs.

«J'étais à Churchill à la fin septembre dans le Tundra Buggy, et on nous avertit que la première personne qui jette n'importe quel objet, surtout de la nourriture, est reconduite en ville, même si elle a payé 7500$.»