La Commission européenne veut obliger les pays de l'UE à enfouir en profondeur leurs déchets nucléaires car elle juge trop vulnérables les dépôts actuels, et faire payer les industries du secteur pour mettre en pratique le principe du pollueur-payeur.

«Nous devons nous assurer que nous avons la meilleure sécurité au monde pour protéger nos citoyens, notre eau et nos terres contre une contamination nucléaire», a soutenu mercredi le commissaire européen en charge de l'Énergie Gunther Oettinger, en présentant un projet de directive européenne en ce sens.

Or «depuis la construction de la première centrale nucléaire il y a 50 ans, nous n'avons toujours pas dans l'UE de dépôt pour stocker définitivement les déchets radioactifs», a-t-il souligné.

La Commission, a indiqué M. Oettinger, va demander en conséquence à tous les gouvernements de l'UE de s'engager sur des programmes nationaux contraignants avec des plans pour la construction de dépôts de stockage à «au minimum 300 mètres de profondeur».

Le projet de loi interdit en outre l'exportation des déchets nucléaires européens vers des pays tiers comme la Russie ou ceux du continent africain.

Bruxelles table sur l'adoption de cette proposition en 2011 et souhaite  que ces plans nationaux lui soient soumis en 2015.

Si la législation est approuvée, la Commission pourra sanctionner les États récalcitrants au moyen des procédures habituelles d'infraction.

L'initiative a aussitôt déclenché les passions. Saluée par Foratom, l'association représentant l'industrie nucléaire dans l'UE, elle a été décriée comme un «simple exercice de communication» par Greenpeace et le groupe des Verts au Parlement européen.

«Les propositions ne répondent pas aux inquiétudes des citoyens face à la dangerosité des déchets radioactifs», a accusé l'Allemande Rebecca Harms, co-présidente des Verts.

Le Parlement ne pourra donner qu'un avis consultatif, car la base juridique est le traité Euratom.

Le commissaire a reconnu que deux initiatives similaires avaient été recalées par les États, mais il s'est déclaré convaincu que cette proposition «ne serait pas bloquée». Une majorité qualifiée sera suffisante pour son approbation.

Chaque année, 7000 mètres cubes de déchets non retraitables sont produits par les 143 réacteurs de l'UE, dont 58 sont situées en France.

En 2020, l'UE devra trouver une solution définitive pour 1,8 million de mètres cubes de déchets hautement radioactifs qui ont une capacité de nuisance durant près d'un million d'années.

Mais les centres de stockage créés pour ces déchets sont pour la plupart situés en surface et à ce titre vulnérables en cas de catastrophe ou d'accident comme un séisme, un incendie ou un accident d'avion, a estimé le commissaire.

Gunther Oettinger a insisté sur le consensus au sein de la communauté scientifique sur la solution de l'enfouissement géologique, car «il n'y a pas d'alternative».

Il a par ailleurs préconisé la mise à contribution des opérateurs du secteur pour financer ces opérations, selon le principe du pollueur-payeur.

Chaque État «décidera de l'emplacement des sites, des techniques de construction et des formes opportunes d'enfouissement, car les formations géologiques ne sont pas les mêmes partout», a-t-il précisé.

Des coopérations entre les États sont possibles, selon lui.

«Les sites ne devront pas être scellés pour permettre des inspections», a-t-il insisté.

Trois pays - Finlande, Suède et France - ont déjà des programmes qui doivent être opérationnels entre 2020 et 2025.

«La sécurité est indivisible. Si un accident se produit dans un des États de l'UE, il peut avoir des effets dévastateurs pour ses voisins», a tenu à rappeler M. Oettinger.