Le commerce international des ours polaires, mascottes de la lutte contre le changement climatique, restera autorisé car il représente une menace insignifiante comparé à la fonte de la banquise, a estimé jeudi la conférence de la CITES sur les espèces sauvages menacées.

Les États-Unis, arguant que leur nombre avait déjà diminué de 30% en trois générations, soit 45 ans, demandaient l'inscription des ours blancs à l'Annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction (CITES), prohibant toutes ventes hors des pays de répartition.

Ursus maritimus a été classé en 2008 comme espèce «vulnérable» par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et figure déjà en Annexe II de la Convention depuis 1975 (commerce contrôlé).

Il en reste 20 000 à 25 000 spécimens, répartis entre cinq États: les États-Unis (Alaska), le Canada, le Groenland, la Norvège et la Fédération de Russie, tous installés le long du cercle polaire arctique où le réchauffement climatique est deux fois supérieur à la moyenne mondiale selon les observations des climatologues.

L'étendue de la glace de mer a diminué de 15 à 20% ces 30 dernières années et un déclin supplémentaire de 10 à 50% est redouté d'ici la fin du siècle.

Parmi ces pays, seul le Canada autorise les exportations de peaux, de trophées, de dents ou d'artisanat réalisé à partir des os.

Un commerce géré par les Inuits auxquels il apporte un complément de revenu, a souligné jeudi en séance un représentant de la communauté, depuis les rangs de la délégation canadienne.

«C'est une source de nourriture et une importante contribution à la marche des foyers et à la survie des Inuits. Nous n'avons ni plante ni arbre chez nous. Et puisque tout le monde reconnaît que la menace principale c'est le changement climatique, ce n'est pas la CITES qui va gérer ça», souligne-t-il.

De son côté, le Groenland a suspendu toute exportation d'ours depuis 2008 mais demande à pouvoir poursuivre la chasse sur ses terres.

Officiellement, 300 ours sont vendus sur le marché international chaque année, dont 210 par le Canada qui affirme qu'à peine 2% des ours polaires «entrent dans le commerce chaque année» et que ce chiffre n'augmente pas.

Mais pour Jane Lyder, chef de la délégation américaine, jusqu'à 700 seraient tués illégalement chaque année, notamment en Russie.

«Nous voulions stimuler un débat sur ces sources multiples de menaces, explique-t-elle. Bien sûr qu'il faut reconnaître la menace potentielle et réelle du changement climatique, mais ce n'est pas suffisant. Le rythme actuel du commerce a un impact, notamment sur le marché intérieur russe».

L'Union européenne a refusé de la suivre, en justifiant de la «bonne gestion» des ours par les populations autochtones.

De leur côté, les organisations dédiées à la conservation étaient divisées sur le dossier: pour l'UICN, TRAFFIC, le WWF ou le World Conservation Trust, la demande américaine était plus «émotionnelle» que scientifiquement fondée.

Mais pour la Fondation Brigitte Bardot, Robin des Bois ou le Fonds mondial de protection des animaux (IFAW), la contrebande est une menace de plus qui pèse sur l'ours blanc.

«C'est une occasion manquée», regrettait jeudi à Doha Jeff Flocken, directeur d'IFAW. «Avec le changement climatique, la pollution, la sur-chasse, le commerce est une menace supplémentaire qui n'est pas indispensable. Maintenant, plus de 3 000 ours vont pouvoir être tués au cours des dix prochaines années», ajoute-t-il.