Après avoir frappé un grand coup avec une série de publicités remarquées, l'Agence de l'efficacité énergétique entend passer à la vitesse supérieure pour inciter les Québécois à changer leurs habitudes.

Au menu: inspection obligatoire des véhicules, aide financière à l'achat de véhicules propres et subventions à la rénovation, entre autres.

Voilà ce que l'Agence de l'efficacité énergétique (AEE) présentera ce matin, au début des audiences publiques sur son tout premier «plan d'ensemble» québécois en efficacité énergétique, un document qui réunit autant ses propres mesures que celles d'Hydro-Québec et de Gaz Métro.

 

On y retrouve ainsi des programmes en tout genre, allant de rabais à l'achat de fenêtres Energy Star à la récupération de réfrigérateurs, en passant par des mesures liées au transport des personnes.

Si les spécialistes interrogés applaudissent d'ailleurs l'idée de regrouper les stratégies de l'AEE ainsi que celles des distributeurs d'énergie, ce qui constitue le nouveau mandat de l'Agence, ils déplorent le manque d'ambition du plan d'ensemble, tout particulièrement dans le domaine du transport.

«C'est ni plus ni moins que le parent pauvre du document», estime François Boulanger, d'Équiterre, un propos qui trouve écho auprès du Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE) et de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).

Sur les quelque 190 pages de mesures en tout genre, seules 10 pages sont consacrées au transport des personnes. Mais plus grave encore, selon les intervenants, le document ne contient que quatre interventions, chacune plus timide que la précédente.

On propose par exemple un encouragement financier à l'acquisition de véhicules à faible consommation, mais celui-ci ne s'adresse qu'à une seule clientèle, les propriétaires de gros véhicules qui se procurent une auto consommant 3 litres de moins, aux 100 km, que celui dont ils se départent.

«Cette mesure est tout à fait inappropriée: on brandit un sac de carottes, mais on refuse d'utiliser le bâton», indique Jean-François Blain, du ROEE. Tout comme l'Union des consommateurs, le Regroupement déplore l'«iniquité» de cette mesure qui n'encourage nullement ceux qui ont déjà opté pour de plus petits véhicules, en plus de permettre aux propriétaires de véhicules énergivores de conserver leurs mauvaises habitudes sans pénalités.

Autre mesure proposée: l'inspection et l'entretien «des composantes mécaniques ayant une incidence sur la consommation de carburant». Ce programme, qui serait arrimé à celui, obligatoire, proposé par le ministère de l'Environnement, viserait à retirer graduellement de la route les vieilles autos polluantes.

Le problème: on ne précise pas ce que sont les «composantes ayant une incidence sur la consommation», pas plus que l'échéancier de réalisation, souligne André Bélisle, de l'AQLPA. «C'est bien beau les objectifs, mais si on n'est pas capable de les atteindre, ça ne sert pas à grand-chose», note-t-il.

Pour Pierre-Olivier Pineau, professeur spécialisé en énergie à HEC Montréal, les mesures en transport sont d'ailleurs à l'image du document au grand complet. «On refuse tout simplement de prendre le taureau par les cornes, estime-t-il. L'Agence fait beaucoup de publicité, mais elle refuse de poser les gestes qui auront un réel impact sur le comportement des particuliers.»

En entrevue, la PDG de l'Agence, Luce Asselin, reconnaît que son document manque de mordant, mais elle rappelle qu'il s'agit d'une première mouture qui sera rapidement améliorée. Elle note que le premier plan d'ensemble aura surtout eu le mérite de regrouper les forces en présence et d'«évaluer les marges de manoeuvre».

«Est-ce que le plan est ambitieux en transport? Non, il est plutôt réservé, affirme-t-elle. L'important était de commencer quelque part. Le deuxième plan d'ensemble (qui sera dévoilé plus tard cette année) s'annonce beaucoup plus créatif, beaucoup plus à la hauteur des attentes.»