Tout au long de la campagne, La Presse visite des circonscriptions où rien n’est joué, à la rencontre des électeurs, des candidats, et des enjeux qui leur tiennent à cœur. Aujourd’hui : Saint-Henri–Sainte-Anne

La réélection de la cheffe libérale Dominique Anglade est loin d’être acquise dans Saint-Henri–Sainte-Anne. À quelques jours du scrutin, les voyants sont au rouge dans cette forteresse libérale du sud-ouest de la métropole, où une course à trois se dessine.

Dans son local électoral, la cheffe libérale regarde une carte de Saint-Henri–Sainte-Anne. L’organisateur de campagne local lui montre les secteurs où le pointage est bon. Le vote par anticipation s’est ouvert la veille et les troupes s’activent sur le terrain pour faire « sortir le vote », comme on dit dans le jargon politique.

« Nos libéraux sont sortis au-dessus de 20 % dans Petite-Bourgogne, ce qui est très bon », lui dit-il. « Je suis vraiment contente ! Excellent, gang », répond Mme Anglade. Elle est députée de l’endroit depuis 2015, mais les élections de 2022 revêtent un caractère particulier : c’est la première fois qu’elle brigue les suffrages alors qu’elle est aussi cheffe du Parti libéral.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, n’est pas assurée de remporter « sa » circonscription, Saint-Henri–Sainte-Anne.

Quand tu es députée et que tu es en campagne, tu es dans ton comté tout le temps, jour et nuit. Ça, c’est le travail que j’aime. Maintenant, quand tu es cheffe, tu sais que tu ne peux pas être ici tous les jours.

Dominique Anglade

« Les gens me connaissent, ils savent que ce sont des tiraillements que j’ai, mais ça fait partie de la vie : je dois représenter l’ensemble du Québec », poursuit Mme Anglade. Elle rappelle avoir passé beaucoup de temps dans sa circonscription avant le déclenchement.

Sa réélection est cependant loin d’être acquise. Les sondages sont défavorables pour les libéraux et plusieurs châteaux forts, à commencer par le sien, sont menacés. Selon l’agrégateur de sondages Qc125, Mme Anglade bénéficierait d’une faible avance sur ses adversaires de Québec solidaire et de la Coalition avenir Québec.

« On ne tient rien pour acquis », assure Mme Anglade, qui estime cependant que « le vent tourne » sur le terrain depuis le deuxième débat des chefs.

PHOTO FOURNIE PAR QUÉBEC SOLIDAIRE

Gabriel Nadeau-Dubois en compagnie de Guillaume Cliche-Rivard, dans le local électoral solidaire de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Un quartier « en mutation »

Chez Québec solidaire, on présente l’avocat spécialisé en immigration, Guillaume Cliche-Rivard, qui récolte le quart des appuis selon Qc 125. Pour lui, la montée des solidaires dans la circonscription n’est « en rien surprenante ».

On était deuxièmes en 2018. Ça ne sort pas de nulle part. Le quartier est aussi en mutation sociale. Il y a de nouvelles familles, plus de jeunes dans le quartier, et on sait qu’on est premiers chez les 18-35 ans.

Guillaume Cliche-Rivard

Pour lui, la priorité sera de s’attaquer à la crise du logement, de plus en plus présente dans le secteur. « Il faut vraiment qu’on collabore pour la construction de logements sociaux et mixtes. Dans le plan de Québec solidaire, on vise 20 000 logements dans le mandat à Montréal. Moi, je vais faire une énorme pression pour qu’on en ait une bonne part dans le Sud-Ouest », dit M. Cliche-Rivard.

Ce dernier rappelle d’ailleurs « qu’il y a un nombre élevé d’appartements insalubres ou carrément vacants » dans Saint-Henri–Sainte-Anne. « Je ne compte plus le nombre d’appartements qu’on pourrait remettre en circulation, afin d’avoir un effet de pression à la baisse sur le marché », poursuit-il.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Nicolas Huard-Isabelle, candidat de la Coalition avenir Québec dans Saint-Henri–Sainte-Anne

Entre nouveaux et anciens quartiers

À la Coalition avenir Québec (CAQ), l’ancien attaché politique Nicolas Huard-Isabelle est aussi au cœur de la course, récoltant également le quart des appuis. « Ce que je sens beaucoup, ce sont les craintes liées au coût de la vie, surtout chez les personnes âgées, parce que la rente ne suit pas, et que la retraite ne change pas non plus », affirme-t-il.

« Notre comté, ce n’est pas le plus riche. Et il y a eu des gros développements immobiliers ces dernières années à l’est, dans Griffintown. Ç’a créé une espèce de clash entre les vieux et les nouveaux quartiers. Il faut remédier à ça », ajoute-t-il, en promettant lui aussi la construction de nouveaux logements sociaux.

M. Huard-Isabelle promet de « s’asseoir avec l’ensemble des organismes communautaires » au jour 1 de son élection, afin « de comprendre tous leurs besoins ». « Leur rôle exceptionnel a été mis en lumière pendant la pandémie, qu’on pense aux groupes de soutien des aînés ou aux banques alimentaires », évoque-t-il.

Avec 10 % des intentions de vote, le Parti québécois, lui, causerait toute une surprise en l’emportant. Mais sa candidate, l’enseignante Julie Daubois, ne s’y arrête pas. « En politique, rien n’est impossible. Ça se passe bien pour nous sur le terrain, la réponse est bonne. Et je suis là par convictions d’abord », martèle-t-elle.

Quand on lui demande sa priorité, elle répond : « les soins à domicile ». « On a un plan au PQ qui propose plusieurs mesures, dont des investissements massifs dans les soins à domicile, qui sont moins dispendieux que les soins hospitaliers. C’est aussi crucial de donner le moyen à tous les aînés de ne pas se déraciner de leur milieu de vie. » En logement, poursuit la péquiste, « la clé sera de rénover ce qui existe ». « Il faut retaper les logements existants, et à côté, en construire de nouveaux », insiste Mme Daubois, dont la formation promet de construire 35 000 logements sociaux d’ici 5 ans.

PHOTO FOURNIE PAR LE PARTI QUÉBÉCOIS

La candidate péquiste dans Saint-Henri–Sainte-Anne, Julie Daubois

Le Parti conservateur, de son côté, présente Mischa White, instructeur pour les Rangers canadiens. Ancien combattant de la guerre en Afghanistan âgé de 34 ans, le principal intéressé affirme militer pour « que notre système de santé soit compétitif, que les Québécois en aient vraiment pour leur argent et, surtout, que leur liberté ne soit plus jamais limitée par la nécessité de sauver un système déjà brisé ».

Les résultats de 2018

• Dominique Anglade (PLQ) : 38,06 %

• Benoit Racette (QS) : 23,03 %

• Sylvie Hamel (CAQ) : 18,68 %

• Dieudonné Ella-Oyono (PQ) : 11,47 %

• Caroline Orchard (PCQ) : 1,22 %